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POESIE

Ô triste éloignement de tout ce que j'aimais
Maison ! fleurs des jardins! Adieu et pour jamais
Pays de mes amours inondé de soleil !
Adieu, terre chérie où le jour est vermeil,
Où les bougainvillées garnissaient les tonnelles,
Où la nuit étoilée est si douce et si belle.
..

Je ne reverrai plus....   Nelly Chamard
 Rêverie à Oran   Nelly Chamard
Neige sur Oran  Amélie Tello 1931
Les odeurs de là-bas  Odette Tremelat Legay
 
 

 

Rêverie à Oran
 
 
Quand mon coeur est en peine, c'est là que je reviens.
Blottie dans la senteur tiède du figuier,
Je retrouve ta voix cristal dans les palmiers,
Lumière zigzagant au milieu des jasmins.

L'étoile dans l'oreille, je baisse ma paupière
Et vois tes yeux profonds, émergeant de l' azur,
Elixir de saphirs sur l'onde la plus pure ;
Leurs grains de sable d'or sont ma dune où j'espère.

Quand mon rêve est en peine, je vogue sur la mer,
La cadence est magique, les vagues ne rient plus.
Mes songes enfantins qui ne s'amusent plus,
Sont à demi figés dans la vapeur amère.

Suprême est mon émoi quand l'écume fait rage,
Déchaînant ma mémoire en ses secrets recoins ;
Il ressurgit alors, découvrant le rivage,
Des écrits d'autrefois aux airs proches, et lointains.

Tout mon sang est grisé sur la plage en ivresse,
Il se gorge d'anis tout ambré de cannelle,
S'enivre de vin doux muscat et citronnelle,
Mes yeux sont suspendus sur leur songe en détresse.

Je ne peux séparer la mer de mon breuvage,
Onirique boisson qui fait danser l'enfance.
D'une plage rêvée qui nourrit ma démence,
Je ne peux oublier mon lancinant servage.

Nelly Chamard

 
 
 
 
 

 

NEIGE SUR ORAN

La ville est, ce matin, en robe nuptiale,
Pour célébrer pompeusement ses épousailles
Avec l'hiver nouveau brusquement apparu
C'est pourquoi, cette nuit, il a neigé fort dru.
Du blanc, du blanc, partout, sur les toits, dans la rue,
Toute surprise encore de la neige imprévue,

Sur l'arbre nu qui tend ses squelettiques branches,
Sur le jet d'eau muet où le palmier se penche.
Et c'est chose si rare en ce tiède pays,
Que les petits oiseaux en sont tout ébahis,
Il neige un peu encore et c'est vraiment charmant..
Un fin duvet de cygne est lancé mollement
Du ciel gris et morose où le soleil se cache,
Jaloux de la splendeur de la neige sans taches
Mais voici qu'il se montre, il est déjà dehors,
De la blanche parure il a juré la mort.
Et la neige s'efface aux rayons du soleil
Comme aux désillusions, nos beaux rêves vermeils.

Amélie TELLO 1931

 
 
 
 
 
 LES ODEURS DE LA-BAS

Sens-tu le frais parfum de la blanche anisette
Dans le verre embué ? Et celui des brochettes
Aux portes des cafés ? De là bas c'est l'odeur.
Me voici transportée sous l'oranger en fleurs
Des souvenirs, soudain, s'ouvre tout grand le livre
Quand toutes ces senteurs se mettent à revivre,
C'est un ciel éclatant d'azur et de vermeil
Une mer d'émail bleu ondulant au soleil
C'est la vigne naissant au sein des terres rouges
C'est midi si brûlant que l'ombre seule bouge
C'est l'ardente clarté courbant les floraisons
C'est la chaleur, la plage; c'est notre maison.

Respire à pleins poumons cette odeur généreuse
Et vois le bourricot sur la route poudreuse
Qui trotte résigné, chargé de lourds paniers
Qui lui battent les flancs. Retrouve les palmiers
Aux écailles brunies dont la houppe balance
Dans les cieux en fusion la verte nonchalance
Qui, respire bien fort les parfums de là bas
Et tu verras alors, emplissant les cabas
En tunique de sang, la tomate pulpeuse
L'orange ensoleillée et la grappe juteuse
Tu sentiras l'odeur des couscous épicés,
Des paëllas fumantes, des piments grillés,
Et l'arôme fruité de notre huile d'olive
La fragrance salée du rouget, de la vive
De la dorade rose au bout de l'hameçon
Dont on se mijotait des soupes de poissons
Vois les figues sucrées emplissant la corbeille
Près desquelles tournoient les friandes abeilles
Délaissant le jasmin langoureux, obsédant.
Nous mordions dans la vie, ensemble, à pleines dents

C'était la joie, le rire, c'était le bonheur !
Le passé contenu dans ces fortes senteurs
C'était les temps heureux, c'était notre richesse...
Car l'odeur de là bas, c'était notre jeunesse !

Odette TREMELAT LEGAY

 
 
 
 
(Après avoir appris que les maisons de notre quartier d'enfance s'écroulaient les unes après les autres.....)
Je ne reverrai plus…

Souvent je la revois, promenant sur la grève
Ma paupière perlée sur Oran, ma maison,
Conservant dans mes yeux mon plus lancinant rêve.
Au fond, un paquebot se perd à l'horizon.

Les enfants, à la plage, avec du sable chaud,
Dans le creux de leurs mains, dans leur peau, dans leurs seaux,
Bâtissaient des châteaux avec leurs forteresses,
Naissant dans cette ardeur unique à la jeunesse.

Tout leur être baigné du soleil d'Oranie,
De Méditerranée, de fruits de Barbarie,
Au goût des margaillons, aux senteurs de cannelle,
De beignets encor chauds, adieu ma ritournelle.

Et je ne verrai plus ce vol des hirondelles
Et je n'entendrai plus ces vendeurs de vaisselle,
Ces vitriers chargés, ces matelassiers,
Ces rempailleurs chantants et ces ferblantiers.

Du haut de mon balcon, j'aspirais dans mon coeur
Le brouhaha mêlé de cette effervescence.
Ma maison désolée s'écoule dans mon pleur
Et l'écho de mon âme se perd dans le silence

Nelly Chamard
7 décembre 2012
 
 
 
 
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