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RECITS ET LEGENDES DE LA VILLE D'ORAN

 La bataille de la Cressonnière
 La Bataille de la Perle
 Recherche désespérément Soleil d'Oran
 Le Crocodile de la Macta
 A la recherche des archives dérobées au XIXè siècle - Une affaire d'Alfa

 

La bataille de la Cressonnière - 28 août 1898

 
En parcourant mon dictionnaire des batailles célèbres, je découvre l'existence de deux grandes batailles qui se déroulèrent à Oran vers la fin du XIXe siècle.
La première, la plus célèbre pour moi est celle dite du
Ravin-Blanc, mais j'en parlerai prochainement lors de la conférence du 17 janvier 2008 dans le cadre des universités d'hiver à Tindouf sous la présidence de Mohammed Kourbali.
La seconde est celle de l
a Cressonnière, dont je veux évoquer le souvenir aujourd'hui dans le respect des événements essentiels, afin de ne pas entraîner les lecteurs dans les méandres du marigot où se perdent si souvent les lamantins.

Cette bataille met aux prises deux quartiers de la ville qui s'opposent depuis toujours. Il s'agit d'une part, du vieux quartier de la Marine situé aux pieds du Murdjadjo, montagne qui surplombe la ville au nord-ouest et d'autre part, du faubourg de Carteaux, construit sur la colline du "Monté-Séco" à l'est et bordé par le Ravin-Blanc qui donna la pierre exceptionnelle sortie de ses entrailles pour la reconstruction de la ville basse après un terrible tremblement de terre à la fin du XVIIIe siècle.
Le différend, cette fois, porte sur le choix de l'implantation de la future gare de marchandises, suite à l'enquête d'utilité publique en cours. Cette gare servira de plaque tournante et de trafic dans toute l'Algérie. Elle recevra tous les produits à exporter mais aussi ceux importés par mer. Par ailleurs cette réalisation permettra les liaisons commerciales avec le Maroc, le Rio de Oro, la Mauritanie et la future Afrique-Occidentale-française. Il va sans dire que ce grandiose projet assurera le développement économique local. On peut affirmer qu'il y aura une forte création d'emplois pour la population du quartier élu. Et c'est ce dernier point qui devient la cause principale de la brouille entre les deux quartiers. A l'issue de l'enquête publique par la " SNCFA "? les autorités territoriales sont confrontées à un choix fort délicat pour l'implantation des installations sur les terrains non bâtis des deux quartiers. Sur le plan foncier, le vieux quartier de la Marine est peuplé de gens modestes, ingénieux, courageux, mais en majorité issus de l'immigration espagnole depuis le XVIe siècle. Les terrains accusent une forte pente qui décline vers la mer, au nord. Le faubourg de Carteaux regorge d'une jeunesse importante rompue à l'amusement. Son site est magnifique puisque perché à une altitude de plus 125m. Il est ventilé en permanence par des vents nord-ouest, iodés, ce qui peut assurer une bonne santé pour des travailleurs oeuvrant dans les fumées dégagées par les chaudières des locomotives à vapeur…. Je vous précise qu'il n'y a aucun parti pris par le narrateur..

A ce que l'on sait, les décideurs avaient une préférence pour une implantation sur le quartier de la Marine entre la future usine Bastos et la place de La Perle. Cette information confidentielle est rapportée par Elisabeth, la fille du sous-préfet maritime qui fréquente, malgré l'interdiction de ses parents, le fils du contremaître tonnelier des établissements Gay. Ceci ravive l'animosité des deux communautés qui ne date pas d'aujourd'hui.
Ici, il est important de vous conter cette anecdote qui en dit long sur les rapports entre les protagonistes.

C'était au mois de juin 1860, à l'occasion de la visite de la ville par Napoléon III accompagné de son épouse. Un match de football fut organisé le dimanche 22 juin en hommage au couple impérial, sous la forme d'un championnat inter quartiers. Le match opposait le FCO à L'ASMO sur le terrain du champ de manœuvres. Le FCO l'emporta par un but à zéro grâce à un but marqué, de la main, par Larbi Kourbali, l'ailier droit bien connu dont le petit-fils deviendra plus tard la " Fierté " d'une jeune et charmante institutrice dont je tairai le nom, mais dont je me permets de donner le prénom "Josette" ce qui me paraît hautement respectueux. Sans tout dévoiler, j'indique ses initiales : J.B. Et n'allez pas croire qu'il s'agit de Joséphine Baker ! Non, notre J.B, c'est elle qui nous faisait danser avec sa baguette magique pour nous apprendre les tables de multiplications…à l'envers.. Le but fut marqué de la main me direz-vous ? Mais que faisait l'arbitre ? Malheureusement, il n'a pas pu siffler la faute, flagrante pour les spectateurs, car à cet instant il était occupé à chercher sur le terrain le pois-chiche qui vibre pour produire le son strident de son ustensile. En effet, celui-ci usé par une forte utilisation était sorti de sa cage. L'instrument était inutilisable, alors. A ce malheur pour la Marine, il faut ajouter que les spectateurs de Carteaux traitaient ceux de la Marine de "gens des bas quartiers". Inutile de dire que les Marins demandent une revanche.
 
Voilà pour l'anecdote historique puisqu'elle est relatée par Napoléon III dans ses mémoires rédigées en Angleterre. Dans le chapitre II on peut lire ceci " la plus belle bataille fut celle de Carteaux opposée à la Marine. La stratégie des ennemis est digne de celle de Wagram avec mon tonton en général ". Je me garderai de juger ces faits historiques au parfum fantaisiste mais force est de reconnaître qu'ils sont à l'origine de ce que je m'en vais vous conter et que nous allons découvrir ensemble. Donc, en ce mois d'août de 1898, la SNCFA en accord avec les autorités, décident unilatéralement que la gare sera construite sur le port à quelques encablures du bassin Gueydon. La nouvelle est publiée sur l'écho d'Oran du 25 août 1898.
Dès dix heures, Carteaux se considérant lésé, adresse une déclaration de guerre à la Marine. Pour gagner du temps, la déclaration manuscrite est expédiée au lance-pierres. Le message échoue sur le minaret de la mosquée sidi-el-houari et le muezzin s'empresse de le livrer au Maire de la Marine. On bat le tambour et la samboumba au beau milieu de la place principale. Les préposés sont installés sur la margelle de la fontaine centrale afin de prendre un peu de hauteur tant la situation est grave. Les deux quartiers sont en ébullition et les préparatifs vont bon train. Tous les hommes valides de moins de 49 ans et les femmes de moins de 28 ans sont enrôlés. Cette bataille s'annonce stratégique au plus haut point mais certainement pas psychologique étant donné que nos protagonistes n'ont jamais lu Freud, qui de plus écrivait en Allemand. Carteaux pense profiter de sa position en altitude alors que la Marine espère profiter des vents dominants qui les pousseraient dans le dos pour faciliter l'ascension par la rampe Vallès.
 
Enfin, nous examinerons plus loin la stratégie de chaque camp. A la lecture des archives il semblerait que le choix du terrain "neutre" sera imposé par un tirage au sort. Après la St-Louis le tirage au sort effectué par la Miss 1897 du Plateau St-Michel, il en résulte : Que la date de la bataille sera le 28 août 1898 et le champ de bataille, le terrain qui sera occupé plus tard par le collège de jeunes filles à hauteur de la rencontre de la rue d'Arzew et de l'avenue de Tunis. L'endroit retenu permettra aux belligérants de ne pas utiliser les régiments des transports.

Et nous voilà ce 28 août 1898 sur ce champ de bataille. Elle sera contrôlée par un comité de surveillance composé d'élus des deux quartiers mais aussi complétée par deux anciens officiers de l'infanterie mis à la retraite par anticipation pour avoir utilisé des chameaux lors du marathon de Saïda à Tiaret l'année dernière. Puis on compte le représentant local de la SNCFA ainsi que le médecin général de l'hôpital d'Oran. Cet ancien baroudeur, compagnon de route de Napoléon 1° est aigri depuis que le baron Haussmann lui a préféré Soult pour baptiser un des boulevards des maréchaux à Paris. Qui plus est, par excès de zèle il veut faire un procès à la famille Galiana pour empoisonnement de la population à l'aide d'une boisson alcoolisée au parfum de badiane espagnole. Enfin, le comité est présidé par un élu de chaque quartier en guerre. Pour la Marine il s'agit de Monsieur Fouques-Dujardin et pour Carteaux le choix s'est porté sur Monsieur Jean-Gay. Le champ de bataille est délimité puis divisé par un tracé irréprochable à la chaux de la Calère.
Il faut éviter les débordements et permettre aux spectateurs d'assister à la bataille en toute neutralité. L'ordre du début du combat est prévu à 11h. La fin du combat est programmée à 12h30. Chaque armée est composée de 33 hommes, soit 30 soldats et 3 officiers. La Marine dispose sur le terrain trois colonnes de dix hommes alors que Carteaux dispose deux lignes de 15 hommes par le travers du champ. Les soldats de la Marine sont armés de rames de pastéras en châtaignier dérobées sur le chantier naval de la famille Ambrosino. Le fournisseur est le charpentier de marine, Roger Quessada. Ceux de Carteaux, la colonne de gauche est armée de couvercles de barriques fabriqués en bois de chênes de la forêt d'M'Sila et prêtés par la cave Gay. La colonne de droite est équipée de mâts de lampadaires récupérés dans le stock des rebuts à la fonderie Ducros. La cause du rebut de cette élégante production fut le manque de carbone lors de la fusion ce qui, au refroidissement, a rendu le produit impropre à sa destination. Ces lampadaires devaient décorer la place Kléber et en particulier éclairer le parvis de la préfecture depuis que la femme du préfet avait chuté sur la dernière marche en rentrant un soir du théâtre Bastrana.

Ceci dit, et sans rire, il n'est pas utile de s'interroger sur l'efficacité de tels armements. L'étude des archives nous réserve encore des surprises sur ce qui deviendra la Bataille de la Cressonnière. A 11h l'ordre de combattre est donné sur un air de " négro Sounbon ". Le branle-bas de combat fait dire à des témoins que l'affrontement ressemble à un abordage de corsaires français contre un galion espagnol dans la mer des Antilles du coté de l'Île de la Tortue du temps des Frères de la Côte. Les soldats de la Marine agitent les rames dans l'espoir de blesser l'adversaire alors que ceux de Carteaux, mieux organisés, attaquent mât de lampadaire aux mains comme les lanciers du Bengale tout en se protégeant derrière le porteur du bouclier en bois. Bouclier formé par le couvercle de barrique qui offre l'avantage au porteur de pouvoir observer l'adversaire par le trou de la bonde sans se découvrir. Raison pour laquelle Carteaux n'utilise pas le fond de la barrique qui, comme vous le savez, ne comporte pas d'orifice. Après 1H30 de combat, la bataille cesse faute de combattants. Le comité de surveillance jette l'éponge et ainsi s'achève la bataille. Les blessés sont évacués vers l'hôpital de campagne installé dans le casino de Canastel. Le jury accorde le match nul.
 
Lors du discours de clôture les responsables du projet de la sncfa s'engagent à créer des emplois réservés aux habitants de Carteaux. Ainsi, les frères ennemis d'hier travailleront ensemble pour améliorer les transports et les déplacements par le chemin de fer en Oranie.
Malheureusement, les archives postérieures à ce 28 août 1898 ayant disparu, je ne peux vous dire quelles furent les conséquences de cette bataille dont tous les Oranais parlent, devant l'anisette et la kémia, avec des trémolos dans la voix.
Moi-même, votre serviteur j'en pleure encore….
Henri Martin - Janvier 2008

 

La bataille de la Perle en 1705

  Nous sommes en 1705 à Oran. La bataille de la Perle aura lieu dans le quartier de la Marine dans cette jolie place. Cette place historique est convoitée depuis fort longtemps par toutes les grandes familles du quartier. Elle a déjà appartenu à un grand nombre de tribus, à des aristocrates, des officiers d'artillerie ainsi qu'à des frères de la cote. En ce mois de mai 1705, cette fameuse place est la propriété de la famille " De Montaner " depuis un an. Cette famille l'a reçu en cadeau, pour service rendu, par l'arrière petite fille du cardinal de Tolède. En effet, les aïeux des " De Montaner " ont aidé les Espagnols lors de la construction de la Posada.
Aujourd'hui, un héritier des " De Montaner vient de découvrir que des champignons poussaient dans les anciennes mines de chaux du ravin Raz-el-Aïn et qu'une belle salade aux vertus extraordinaires envahissait le ravin de la Cressonnière. Ce même fils vient d'expérimenter avec grand succès l'élaboration de la farine de pois-chiches dans les moulins Lanoé. La production industrielle de la calentica serait alors moulée dans la briqueterie de saint André de Mers-el-Kebir puis cuite dans les fours à chaux de la Caléra. Dorénavant, cette briqueterie, propriété des " De Montaner " fabriquera les briques, les tuiles ainsi que la Calentica réservée à l'exportation.
Mais, pourquoi une bataille de la Perle ? La raison majeure c'est que la population ne veut plus payer l'octroi pour accéder librement au marché quotidien qui se tient, comme chacun sait, sur la place. Cet octroi abusif est appliqué par le propriétaire qui veille au seul accès situé à cette époque sous le parvis de l'église saint- Louis. Les autres revendications du petit peuple consistent à demander la suppression de l'octroi ainsi que l'augmentation du nombre de portes d'accès à la place.
Tout le peuple, bien entendu est mené par deux vieilles familles, les " Orséro " et les " Buéno ", rivales des " De Montaner ". Chez les Orséro, le représentant est Antoine, le fils aîné alors que chez les Buéno, le fils cadet a reçu pour mission de s'associer à cette révolte.
Ces deux familles aux origines approximatives sont installées dans la ville depuis deux siècles environ. A la consultation des extraits d'actes de l'état civil de l'ancienne paroisse on peut lire sur les mentions marginales que certains actes furent certainement falsifiés peu après 1492. Ainsi, on peut dire que les Orséro descendent d'une lignée de pirates grecs alors que les Buéno sont arrivés à Oran la veille du débarquement des Phéniciens qui croyaient découvrir les Indes. Et puis, pour les besoins du récit point n'est besoin de savoir s'il existe une supercherie quant à l'origine de ces deux familles. Faute de pouvoir le vérifier, les " De Montaner " seraient arrivés sur la plage des Andalouses avant le cardinal Ximenes.
Ce qui est probable c'est que les Orséro et les Buéno vivent, depuis toujours, du commerce de la sardine pêchée dans la madrague des Iles Habibas. Ils sont associés aussi pour la revente sous forme de sardines salées aux Anglais de Gibraltar au prix du saumon fumé norvégien. La rumeur nous dit aussi que ces deux familles sont arrivées à Gibraltar avant les Anglais afin de préparer leur arrivée en 1704. Une légende raconte que les singes qui peuplent le rocher furent introduits accidentellement par les Orséro vers 1695. En effet, l'armement Orséro avait affrété un navire pour livrer des singes capturés dans les monts de Tlemcen depuis Oran à saint Domingue. Lors d'une avarie le navire fit escale à Gibraltar. C'est pendant cette escale forcée que les petits singes se sont échappés lorsque le maître d'équipage a donné ordre aux marins de les laisser se dégourdir les jambes sur les pontons du port. Ce fut fatal et tous les singes furent perdus. Une nouvelle campagne fut nécessaire afin de satisfaire la livraison aux dominicains.
Nous voilà donc à la veille de ce qui va devenir la " Bataille de la Perle ". Ce lundi 26 mai 1705 les forces en présence, de part et d'autre de la place, sont les suivantes :
- Au nord, l'armée des " De Montaner " qui s'étend de la place à la pêcherie en construction. Elle est commandée par le fils unique Guy. Plus tard certains diront que Napoléon 1° s'inspirera de la stratégie Montaner et en particulier au moment de la Bérézina.
- Au sud, le peuple armé est placé sous les ordres d'Antoine Orséro et de José Buéno. La colonne s'étend depuis la place à la rue principale à la hauteur de la devanture du cinéma le Familia.
- La place est vide, silencieuse et les commerçants ont abandonné leurs étals.
Il est maintenant onze heures mais la bataille aura lieu à partir de onze heures quarante cinq lorsque que l'abbé sonnera la cloche après avoir acheté son pain chez Madame Quessada et son vin chez le liquoriste du Majestic. Mais voilà que de nouveaux évènements surgissent. Des boulistes du club de la Marine défilent au beau milieu de la place en criant qu'ils veulent rencontrer le Maire du quartier afin d'obtenir une subvention plus importante pour agrandir l'aire de jeu située sur le " caminico la muerté ". Puis arrive une escouade de la police municipale qui installe deux batteries à canons orientables tirées par quatre bourricots d'Espagne mais à pattes courtes. L'officier, Giorgio de la Vieille Ville, à l'aide d'un porte-voix confectionné avec une coquille d'arapète géante, nacrée sur les deux faces, s'adresse aux combattants ainsi qu'à la population. - " Mesdames, Messieurs, la bataille de la Perle n'aura pas lieu aujourd'hui. En effet, l'épouse du Préfet a perdu ici même, ce matin, son collier orné de perles en provenance des mines du Ravin-Blanc. Aussi, nous effectuons les recherches et pour ce faire nous vous demandons de reporter la bataille à une date ultérieure qui vous sera communiquée par décret préfectoral. En revanche, Monsieur le Préfet offre une forte récompense à celle ou celui qui participerait à la recherche de la Perle…rare. "
Quant aux familles De Montaner, Orséro et Buéno elles s'arrangèrent de la situation en constituant une société commerciale à responsabilité limitée mais aux bénéfices illimités. Ceci fera dire plus tard à nombre d'historiens qu'à la Marine, l'argent est de couleur nacrée et a l'odeur de calentica au kamoun.
La bataille de la Perle n'est que partie remise. Celle-ci vous sera relatée prochainement

Henri Martin 3/12/07

 

Recherche désespérement SOLEIL D'ORAN

Finalement, je me suis résolu à mettre une annonce dans les journaux. Il faut me comprendre. Je n'en pouvais plus d'attendre. Presque quarante-cinq ans vécus à fourrer mon nez partout sans aucun résultat. J'ai eu beau remuer ciel et terre, interroger des tas de gens, surfer sur le Net, squatter les bibliothèques, dépouiller des tonnes d'archives et de bouquins, visiter les musées, le Louvre, le Prado, la National Gallery, j'ai même assisté à des ventes aux enchères chez Sotheby's et Drouot au milieu de collectionneurs guettant la belle occase.
Las, je n'ai rien trouvé, rien en tout cas qui aurait pu apporter une réponse à une affaire qui ne cesse d'agiter mon esprit depuis mon départ forcé de cette terre d'Algérie : " Recherche désespérément Soleil d'Oran ".

Monsieur Pastor
C'est au lycée Ardaillon, un établissement de la périphérie oranaise, où je suivais ma scolarité au début des années 60, que j'ai découvert le vol et que le désir de confondre ses auteurs s'est éveillé dans ma tête juvénile. Mes condisciples rêvaient d'autres choses, d'exploits et de sensations fortes ; ils s'imaginaient pilotant un avion de chasse, partant à la recherche de l'Atlantide ou marchant sur les traces de Marco Polo et de David Crockett ; moi, mon rêve, c'était uniquement de retrouver mon soleil.
J'avais en classe de quatrième, comme professeur d'espagnol, un homme dont la grande culture allait de pair avec une immense bonté et une profonde humanité. Proche de la cinquantaine, s'aidant de béquilles en raison d'une infirmité, Monsieur Pastor (ainsi s'appelait-il), jouissait de la considération générale. Il avait toujours quelques mots pour détendre l'atmosphère lorsqu'il sentait ses élèves se stresser chaque trimestre à mesure que se rapprochait la date de la fameuse composition écrite, " el susto " (la peur) comme il le disait si bien. Sous son aile rassurante, je figurais parmi les meilleurs " hispanisants " du lycée, ce qui pour un Oranais dont les aïeux étaient Andalous constituait la moindre des choses.
Quand vint la distribution des prix, je reçus en récompense de mon travail un ouvrage sur les trésors disparus de l'ancien empire colonial espagnol. Monsieur Pastor m'indiqua qu'il avait veillé personnellement au choix de cet ouvrage, m'assurant que celui-ci comblerait ma soif de connaissances.

Les trésors d'Oran
A dire vrai, le bouquin qui faisait deux cents pages avec de nombreux croquis aiguisa ma curiosité. L'un de ses chapitres évoquait les richesses d'Oran au temps du préside espagnol entre les XVIe et XVIIIe siècles. La force du sentiment religieux était si intense que la ville regorgeait, dans ses églises et monastères, de statues, de tableaux, d'objets et d'ornements incrustés d'or et d'argent. Combien tout cela valait-il ? Peut-être plus de dix millions de nos euros actuels. Malgré la modicité de ses revenus, le clergé présidait avec apparat aux cérémonies du culte. Le vicaire étrenna, à la huitième semaine après la Fête-Dieu en 1754, un costume sacerdotal de toile dorée, fruit d'une donation de l'archevêque de Tolède qui avait déboursé 573.882 maravedís pour sa fabrication dans un atelier de Valence (à titre comparatif la conquête d'Oran qui mobilisa 15.000 soldats en 1509 coûta 30 millions et demi de maravedís à son instigateur, le cardinal Jimenez de Cisneros).
Tant de fortune suscita évidemment des convoitises parmi les milliers de " presidarios " (bagnards) et " desterrados " (exilés) qui séjournèrent à Oran dont la fonction pénitentiaire s'accommodait d'une mentalité festive et libertine. On s'entretuait et dérobait à volonté dans ses murs, nonobstant la présence d'une garnison de 4.200 hommes qui pensait davantage à faire des razzias chez les tribus arabes qu'à maintenir l'ordre dans la cité. Les voleurs se manifestèrent notamment le 20 octobre 1740 : ils s'emparèrent des joyaux (principalement des " pierres de France " blanches et vertes) qui garnissaient, dans la chapelle principale, la statue de " Nuestra Señora de la Peña de Francia " (Notre Dame du Rocher de France) devenue Madone protectrice des Oranais après l'échec du siège turc de 1688.
Le tremblement de terre qui dévasta la ville dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790 raviva les tentations. La loi martiale fut proclamée pour lutter contre les pillards qui volaient même jusqu'à la charpente des églises. Les sauveteurs parvinrent à sortir des décombres l'essentiel des richesses du diocèse. On brûla toutefois ce qu'on ne put sauver afin d'éviter toute éventuelle profanation dans le futur : deux statues (sur les 25 localisées) et de nombreux retables disparurent de la sorte.
Passés les premiers moments d'effroi, les frères dominicains regagnèrent l'Espagne dès le 23 octobre, emmenant avec eux les biens de leur monastère, au grand dam de la Confrérie du Rosaire qui jugeant prématuré ce départ aurait voulu les conserver sur place. Peu avant le transfert de souveraineté à la régence turque, les autres richesses liturgiques furent embarquées le 21 janvier 1792 sur le bateau marchand " La Redentora " à destination de Carthagène, hormis la perle des chefs d'œuvre, un ostensoir d'une valeur inestimable, dont le transport vers la péninsule eut lieu, sous haute surveillance, à bord du navire de guerre " El Conquistador " le 8 février suivant.

Un ostensoir orné de 333 pierres précieuses
Parce que sa forme rappelait l'astre incandescent, cet ostensoir en argent doré était connu sous le nom du " Soleil d'Oran ". Il pesait 1.580 grammes, sans compter son socle de 1.460 grammes. Sa taille dépassait la normale. Avec la croix pectorale qui le surmontait, il mesurait 56 centimètres. L'objet sacré ressemblait à un arbre soutenu par des têtes de séraphins, fondues avant d'être taillées au burin. Sur les côtés, il y avait de petites sculptures, finement façonnées, de la Vierge Marie et de saint Jean. On y discernait aussi quatre angelots volants réalisés avec encore plus de soin.
Une nuée de pierres précieuses ornait l'ostensoir : 333 au total dont 55 diamants, 79 rubis, 50 émeraudes, 31 saphirs, 44 grenats, 15 améthystes, 9 topazes et 4 jacinthes. Le regard saisissait avec ravissement la variété des couleurs : vert, bleu-vert, bleu ciel, carmin, blanc, jaune… Il est très probable que cette œuvre d'art fût fabriquée à partir d'un crucifix qu'on délesta de sa croix et dont on appliqua à la base quelques sarments en bronze avec feuilles et rameaux.
" Le Soleil d'Oran " trônait depuis le 23 juillet 1782 dans l'unique nef de l'église Notre Dame de la Victoire en remplacement d'une custode de 2.780 grammes, de moindre attrait, qui avait été affectée cinq mois auparavant à la chapelle Saint-Michel de Mers-el-Kébir tenue par le chapelain Diego Moralès. Le roi Charles III l'avait offert aux Oranais, suite à une sollicitation de leur vicaire Angel Celedonio Prieto faite le 7 juin.
L'ostensoir appartenait initialement à la Compagnie de Jésus. La couronne royale se l'était appropriée en application d'une Pragmatique sanction du 2 avril 1767 inspirée par le comte Pedro d'Aranda, président du Conseil de Castille, qui ordonnait l'expulsion de l'Ordre et la confiscation de ses biens. C'est toutefois grâce à la piété des Tolédans que les Jésuites avaient pu accumuler en deux siècles et demi de ministère autant de pierreries somptueuses, lesquelles furent incrustées au fil de leur acquisition.

Un mois sous les décombres
L'extrême violence du séisme générée par la structure défectueuse du djebel Murdjadjo (la première secousse de magnitude supposée 7,5 dura au moins cinq minutes) provoqua la destruction de l'église Notre Dame de la Victoire qui s'effondra comme un château de cartes sur les maisons aux alentours, causant la mort de plusieurs personnes. Il fallut plus d'un mois pour déterrer " le Soleil d'Oran ". Le vicaire Antonio de Trevilla se trouvait chaque jour sur les lieux. Il suivait et surveillait la progression des fouilles. Bien qu'ayant charge d'âmes, il se préoccupait surtout de l'ampleur des pertes matérielles qu'il attribuait souvent au pillage. Très vite, il extrayait quatre lampes de valeur et des parchemins. Le 19 novembre 1790, il put enfin annoncer à son supérieur avec une pointe de soulagement qu'il était parvenu à récupérer les ostensoirs les plus précieux.
Tandis que se profilait l'abandon d'Oran dans le cadre des négociations hispano-turques entamées à Alger, le préside refusait de désespérer. Trevilla, ragaillardi par les 10.000 réaux qu'il avait économisés sur l'argent des secours envoyés depuis Tolède, songeait à la reconstruction de sa grande église, avec sa façade d'une sobriété classique, son sanctuaire et ses douze petites chapelles, où seraient réinstallés ses merveilleux trésors. Déjà il commandait des poutres de bois à Carthagène et voyait " le Soleil d'Oran " briller à nouveau de mille éclats dans la nef. Mais voilà que l'archevêché fit savoir le 25 août 1791 qu'elle s'opposait à la remise en état. Cette décision préjugea du retrait espagnol qui fut officiellement décrété le 16 décembre 1791 et rendu effectif le 29 février 1792.

L'exil de Tolède
Arrivées sur le sol espagnol, les richesses du diocèse oranais furent éparpillées à travers une myriade d'églises réputées les plus pauvres de la péninsule. Le 23 janvier 1792, le comte Campo de Alange, conseiller du roi Charles IV, avait informé l'archevêque de Tolède, Francisco Antonio de Lorenzana, que selon la volonté royale celui-ci avait toute latitude pour effectuer la répartition. Cependant, de son côté, le comte de Floridablanca, chef du gouvernement espagnol, manifesta le désir que parmi les bénéficiaires figurât au moins le prieuré de Saint-Jean de Dieu à Carthagène.
L'archevêque accéda à sa demande, mais comme l'église du quartier de la " Concepción " sise également à Carthagène sollicitait la même faveur, il n'y eut pas de jaloux : on donna à chaque quémandeur un ostensoir sans relief, l'archevêque ayant réservé le plus beau, " le Soleil d'Oran ", à sa cité épiscopale, plus précisément à la petite paroisse de " Santa Leocadia " qui était dédiée au souvenir d'une martyre du IIIe siècle promue patronne des Tolédans. Le curé de cette paroisse, José Lopez, le réceptionna le 22 mai 1792.
Sous la présence française, le retour de la chrétienté en terre oranaise marqua une rupture avec l'époque du préside. Non seulement le diocèse d'Oran ne retourna pas dans le giron spirituel de Tolède, mais aucune des églises nouvellement construites ne rappelât l'architecture ou le décorum des anciennes, exception faite de l'ermitage du " Santo Cristo de la Paciencia " dont l'abside encore debout en 1831 servit d'appui à l'édification d'une cathédrale dénommée Saint-Louis. Même si les fidèles se recrutaient au sein d'une population majoritairement issue de l'immigration andalouse et levantine, les ornements et objets sacrés qui meublèrent les lieux de culte provenaient de donations effectuées par des notables français ou de subventions publiques. L'héritage resta à Tolède où l'église de " Santa Leocadia " garda longtemps son trophée malgré les nombreux soubresauts politiques qui scandèrent l'histoire de cette cité pendant un siècle et demi.

Victime de la guerre civile
Mais voilà qu'un jour d'été de 1936, une énième guerre civile embrasa la péninsule. Les persécutions religieuses, suscitées par les " bandes rouges ", s'emballèrent. A Tolède, où la garnison nationaliste du général Moscardo s'était retranchée dans la citadelle de l'Alcazar, les partisans de la République s'en prirent violemment aux églises toutes richement dotées, la plupart décorées avec des toiles du Greco. D'après l'opinion commune, ils saccagèrent " Santa Leocadia ", faisant main basse sur " le Soleil d'Oran " qui avec toutes ses pierres précieuses pouvait équiper plusieurs divisions d'assaut. Mais les nationalistes, qui avaient eux aussi besoin d'argent pour financer leur pronunciamiento, auraient très bien pu fomenter le coup.
Qui donc a subtilisé le trésor des Oranais ? Où se trouve-t-il à présent ? A-t-il été démembré ou vendu à des marchands d'art peu scrupuleux qui l'auraient ensuite cédé à un riche collectionneur ?
Le mystère demeure. De nos jours, rien qu'en France, 35.000 chefs d'œuvre sont volés chaque année des églises et des châteaux et nombre d'entre eux disparaissent de façon irrémédiable.
Alors ! vous qui me lisez, si vous visitez un magasin d'antiquités, une brocante, une galerie d'art ou une exposition et que vous apercevez un bel ostensoir serti de pierres précieuses, demandez-vous si vous n'êtes pas en présence d'un morceau de la mémoire oranaise.

Alfred Salinas
Universitaire et ex-journaliste à l'Agence France Presse, auteur de
" Oran la Joyeuse " (L'Harmattan, 2004)

Le Crocodile de la Macta

Cela se passe au début des années 50.
Chaque année, au printemps, à peu près à la même époque, un crocodile sort des marais de la Macta. Il se chauffe au soleil dans les sables fins des dunes, respire le parfum des genêts blancs en fleurs, se promène dans la forêt de thuyas, de lentisques, et... dans l'imagination de quelques passants attardés...

Le douanier de Mostaganem qui, partant à la chasse, avait vu pour la première fois, ce crocodile sur la berge, se souvient encore de sa mésaventure : quand il le raconta à l'estaminet où il se remettait de ses émotions, ce fut la risée générale. La presse s'empara de ce qu'elle qualifiait alors de canular, et l'on composa même une chanson sur l'air connu de Maurice Chevalier " Avez-vous vu le chapeau de Zozo".
Les journaux se gargarisèrent un certain temps, puis se lassèrent.

Mais le crocodile ne l'entendit pas ainsi. Il s'ennuyait, manquait de compagnie, était flatté d'avoir été pris pour une vedette et y avait pris goût. Aussi cette obscurité ne lui plaisait guère. Il emprunta une plume à un de ses voisins oiseaux et se décida à donner de ses nouvelles :
" Ayant été pendant plusieurs semaines au premier rang de l'actualité, l'indifférence qui m'entoure en ce moment me surprend désagréablement. J'eus aimé, je l'avoue, accorder une entrevue aux journalistes car, non seulement l'on me laisse dans l'abandon le plus total, mais chose étrange, toute personne dont je m'approche détale à une vitesse incroyable. Je me perds en conjectures au sujet de cette attitude.
Je vous prie de considérer la solitude profonde dans laquelle je me trouve et vous demande donc d'insérer dans "L'Echo d'Oran" et en première page, l'annonce suivante :
" Jeune crocodile, d'un naturel doux et aimant, cherche compagne pour partager sa solitude. Si pas sérieux s'abstenir."
Je m'étonne qu'un journaliste aussi allant que vous ne se soit pas rendu compte de l'intérêt touristique que peut présenter l'existence, ici, d'un jeune couple prolifique en vantant : Mostaganem, son climat, ses vins, ses plages, ses crocodiles…
Malheureusement aucune jeune crocodilette ne répondit à son annonce et le monstre retourna bouder dans son marais.

Deux ans passèrent au cours desquels les érudits envisagèrent le problème sous un angle scientifique en affirmant de prime abord qu'il ne s'agissait pas d'une galéjade du genre de celle de la sardine qui boucha le port de Marseille !
En se basant sur des faits précis et authentiques :
- Un cheminot de Tizi, M. Merlot, au cours d'une partie de pêche à la Macta a disparu le 19 juillet 1950. Des radiesthésistes affirment que son corps est dans le marais de la Macta.
- Un fait historique : En juin 1835, le général Trézel essuya une défaite sanglante mais glorieuse en face des troupes d'Abdelkader à La Macta. Or, à un certain moment, pendant la bataille, une batterie d'artillerie composée de 6 canons et de 40 hommes tomba dans le marais et disparut sans qu'on puisse en retrouver trace. Il y a donc, sous le lit de la Macta, un sous-sol ignoré, un trou, une caverne, un monde souterrain dont la découverte serait d'un intérêt passionnant.
- Le professeur Gautier, dans son ouvrage sur le Sahara relate l'existence d'une "faune résiduelle" datant de l'époque lointaine où l'eau coulait en abondance à la surface du Sahara (grands oueds quaternaires) descendant de l'Atlas marocain ou venant des régions centrales de l'Afrique (fleuve Igharghan). " Le cas le plus net est celui du crocodile. On l'a réellement trouvé dans des trous d'eau de l'oued Nihero, une artère du réseau de l'Igharghan. "
- Arrivons enfin à l'ouvrage de Gabriel Lambert sur l'existence d'un formidable fleuve souterrain, long de plus de 1.500 kms, large de 2 kms, traversant tout le Sahara, du Maroc au Golfe de Gabès, passant au niveau des chotts algériens. Ce fleuve s'écoule à 950 mètres de profondeur.
Malheureusement, au moment où on se mettait à croire à son existence, tous les curieux, les scientifiques, les promeneurs, les chasseurs en furent pour leurs frais. Le crocodile restait invisible. Etait-il encore vivant ?
On aurait pu le croire lors de la découverte en 1951, d'une carcasse empuantie et aux trois quarts décharnée, sur le sable fin d'une plage oranaise, à quelques kilomètres à peine du lieu où il se montra : un squelette énorme, d'une mâchoire impressionnante et de vertèbres grosses comme des tessons de bouteilles ! La tête, arrondie et taillée en pointe vers le museau, se rapprocherait plutôt de celle du caïman. Quant à l'abdomen, il ressemblait à un gros pneu bien gonflé… un peu usagé, dont il avait la teinte gris sale. Et la queue plate, se terminait par une espèce de gouvernail que l'animal balançait de droite à gauche. La peau, paraissant très épaisse n'était pas couverte d'écailles, ce qui porte à croire que s'il s'agissait d'un caïman, celui-ci était encore jeune…"
La longue colonne de vertèbres dégagée mesurait 4 mètres 20 exactement de la bouche à l'extrémité existante ! Quant aux pattes, elles étaient enfouies dans le sable !
M. Plusquellec, administrateur en chef de l'Inscription maritime, se rendit sur la plage de La Macta accompagné de M. Mas, conservateur adjoint du Musée Demaëght et de M. Masson, attaché à la section d'Histoire naturelle, professeur au lycée Lamoricière. Après avoir examiné les restes de l'animal, ils réussirent à détacher sa tête et à la transporter au Musée afin d'y être exposée. M. Masson fait connaître son opinion sur la nature du curieux animal : Il s'agit d'un mammifère marin du groupe des cétacés appartenant vraisemblablement à une espèce de grande taille du genre orque ; car l'animal n'était pas encore adulte et il mesurait déjà plus de 4 mètres. Cela est certain, bien que les deux pattes antérieures transformées en nageoires et la queue aplatie manquent, comme d'ailleurs toute la partie médiane du corps.
La forme générale de la tête de l'animal vivant est assez différente de celle que suggèrent les ossements. En réalité, elle n'est pas pointue, et une sorte de rotondité graisseuse relie le museau au sommet du crâne. De toute façon, on ne connaît pas toutes les espèces de cette vaste famille. Et il ajoute : rien ne s'oppose à mon avis, à ce qu'il y ait un crocodile, dans les marais de La Macta, à condition que quelqu'un l'y ait déposé. Peut-être s'agit-il aussi d'un simple phoque ou veau-marin, égaré dans les marécages à la recherche de poissons.

Après avoir versé une larme qui n'était pas " de crocodile ", on convint à regret que l'affaire du " crocodile de la Macta " était terminée.
Eh bien non ! Le 4 avril 1960, le crocodile réapparut :
" Cro...croco...crocodile " s'exclamèrent M. Marcel Ramos et son graisseur Hafsi Abdelkader, lorsqu'ils aperçurent traversant la route, un animal d'environ 1,50 m de longueur, de couleur bleu-pétrole, possédant une queue très longue et avançant tranquillement en se balançant de droite à gauche. Il devait avoir 60 à 70 cm de hauteur et son corps la grosseur d'un tronc humain.
Le moment de stupeur passé, ils bondirent du camion et virent notre crocodile qui toujours se dandinant, traversa la route sur une bonne centaine de mètres et s'engouffra dans l'herbe.
Il faut se rendre à l'évidence : Le crocodile de La Macta est encore là ! Au cas où des chasseurs aimeraient organiser une chasse, l'animal a été vu à 100 mètres environ de l'embranchement de la route allant vers Mostaganem, avant d'arriver à La Macta.
Aucun chasseur ne se risqua à ce genre d'expédition, si ce n'est en juin, l'Association Guillaume Budé qui organisa une excursion d'étude sur ce thème un peu mystérieux.
" Est-il possible qu'un représentant de la faune "rescapée" des temps préhistoriques parvienne, même vivant en état léthargique, dans l'humidité des cavernes, jusqu'à nos jours ?
Et le descendant du premier crocodile de la Macta fut désormais laissé en paix.

Edgard ATTIAS
Extrait concentré d'un chapitre de son dernier livre : Récits autour d'Oran

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