Religion: Controverses et Cérémonies

L’Arc de Titus à Rome : Les Romains transportant l’arche d’alliance

UN DEBAT GRAND COMME L’ESPACE

” Les cieux, oui, les cieux sont à l’Eternel, mais la terre, il l’a octroyée aux fils de l’homme. ” (Téhilim 115, 16).
Pour le psalmiste, les cieux et la terre constituent deux domaines bien distincts de la création ;
les premiers appartenant à l’Eternel, la seconde étant octroyée à l’homme pour qu’il la cultive, l’explore et l’exploite.
Mais que se passe-t-il quand la technologie permet de bousculer cette distinction ? Voyager dans l’espace serait-il considéré comme une atteinte au domaine divin ? Et quels seraient les devoirs d’un Juif dans l’espace ? Un dossier à vous mettre la tête dans les étoiles.

Marcher sur la lune, est-ce empiéter sur le divin ?

Quand en 1969, Neil Armstrong foule la lune de ses bottes, il éveille une émotion immense aux quatre coins du globe. Mais dans le monde de la Torah, ce sentiment est mêlé d’ un certain embarras. Conquérir les cieux n’est-ce pas un peu empiéter sur le domaine du divin ?

Certains décisionnaires, tel le Rav Broïdé, Roch Yéchiva de Hevron, sont catégoriques : l’homme n’a pas le droit de toucher à l’espace. D.ieu lui a permis explicitement d’exploiter la terre, mais l’espace ne lui appartient pas.

En revanche, d’autres comme le Rabbi de Loubavitch, affirment que marcher sur la lune ne contredit aucunement la Torah, car l’homme a le devoir d’explorer la création, qui comprend bien évidemment l’espace. Le débat est loin d’être clos et à la suite de cet événement, Rav Menachem Cacher juge bon de rassembler les différents avis dans un ouvrage intitulé : ” L’homme sur la lune, selon la Torah et la Emouna”.

Quelque trente ans plus tard, alors que l’astronaute israélien llan Ramon prépare son premier voyage dans l’espace, la question revient sur le tapis avec une actualité accrue. Soucieux du respect de la tradition, il adresse d’ailleurs au Rav ‘Haïm Tsvi Konikov, Chalia’h ‘Habad de la NASA, plusieurs questions hala’hiques de circonstances : L’homme a-t-il le droit de voyager dans l’espace ? A-t-il le droit d’y extraire des échantillons de roche ? A-t-il le devoir de respecter les Mitsvot dans l’espace ?

L’homme est-il dispensé des Mitsvot dans l’espace ?

Outre la question basique du droit de conquérir l’espace, les décisionnaires se sont également penchés sur celle du respect des mitsvot dans l’espace. Peu après l’exploit d’Armstrong, le Rav Ben-Tsion Furer annonce que l’homme est dispensé des mitsvot dans l’espace. Il justifie son avis en faisant remarquer que la Torah a été donnée à l’homme sur la terre et que si elle avait été donnée sur la lune, elle aurait sans aucun doute été différente. Selon lui, sa position est corroborée par un verset explicite de la Torah : ” Voici les lois et les statuts que vous aurez soin d’observer… tout le temps que vous vivrez sur la terre ” (Devarim 12, 1).

Le Rav Menachem Cacher s’oppose fermement à la position du Rav Furer, affirmant que le respect des Mitsvot n’est pas seulement lié aux dimensions spatio-temporelles, mais aussi à l’homme per se, et qu’il est impensable que la sainteté du juif disparaisse, pour peu qu’il voyage dans une navette spatiale. L’astronaute devra donc chercher des solutions hala’hiques, et comme chaque fois qu’un nouveau problème se soulève, les décisionnaires se fondent sur le savoir et les décisions des générations précédentes pour décider de l’attitude à adopter dans cette nouvelle situation.

Le lever et coucher du soleil versîon ” lunatique “

Le problème principal lié au respect des Mitsvot dans l’espace est que de nombreuses Mitsvot sont liées au lever et au coucher du soleil : la lecture du Chema, les Tefîlines, la prière, la définition du Chabbat et des jours de fête… Or, la navette spatiale fait le tour du globe terrestre en une heure et demie, soit 16 fois par jour. Si l’on considère chaque lever du soleil comme une nouvelle journée, l’astronaute devrait réciter le Chema 32 fois par jour, poser les Tefiline 16 fois et garder un Chabbat d’une journée et demie 16 fois par semaine. Autant vous dire que respecter de telles exigences est un tantinet problématique…

Heureusement, comme le soulignent le Rav Tsiner et le Rav Cherter, ce n’est pas la première fois que les décisionnaires se penchent sur la question du respect des Mitsvot dans un lieu où le rythme du jour et de la nuit n’est pas celui que nous connaissons.

Ainsi, pendant la Seconde guerre mondiale, 5 000 Juifs fuirent la Lituanie et se regroupèrent à Kobe, au Japon, où ils stationnèrent pendant une dizaine de mois. Une question se posa alors avec acuité, dans ce pays situé exactement sur la ligne de changement de date : quel jour tombaient Chabbat et Yom Kippour ? Etait-ce le samedi du Japon ou celui du reste du monde ? Une grande controverse opposa les rabbanim de l’époque au ‘Hazon Ich, et de nombreux ouvrages furent rédigés à ce sujet.

De même, le débat fut soulevé à propos des Juifs qui vivent dans les régions polaires, là où selon les saisons, il arrive que le soleil ne se couche pas ou ne se lève pas (ce qui fut notamment le cas des soldats juifs américains lors de leur service). Dans ce cas, les décisionnaires ont tranché qu’ils devaient se fixer un rythme de 24 heures comportant douze heures de nuit et douze heures de jour (comme lors de l’équinoxe) et accomplir les Mitsvot selon cette cadence, bien que celle-ci ne corresponde pas au soleil.

Comment respecter le Chabbat dans l’espace ?

Pour répondre à cette question, on s’inspire du cas de la personne qui erre dans le désert et perd le compte des jours : elle doit alors compter six jours de manière arbitraire et se reposer le septième. De même, l’astronaute devra compter six jours, à partir du départ de la navette et se reposer le septième jour.
Et pour finir, voici une série de questions liées à la vie dans l’espace, des plus pratiques au plus purement théoriques.

– Un astronaute a-t-il le droit de faire le Kiddouch sans verre puisque boire dans un verre est mission impossible, quand il n’y a plus de force de gravitation ?
– A-t-il le droit de faire la bénédiction de la lune et de dire ” qu’il ne peut pas la toucher ” ?
– Un ustensile fabriqué à partir de la terre extraite de la lune est-il susceptible de contracter l’impureté ?
– A quelle heure a-t-on le droit de faire la Brit Mila d’un bébé (Réponse : quand c’est indiscutablement le jour),
– A-t-on la possibilité de se purifier dans un Mikvé dans l’espace (Réponse : non).
Avec le tourisme spatial qui fait de plus en plus d’émules, qui sait si ces questions ne se retrouveront pas un jour ?
R. Alster

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