-
- L'hymne israélien n'est pas
né de l'inspiration enflammée et subite d'un seul
homme comme "La Marseillaise". Son histoire est aussi
sinueuse que peut l'être une mélodie.
-
- Ce devait être à Paris,
en entendant au hasard d'une rencontre un chant révolutionnaire
basque, frère jumeau de "evenou
shalom Aleikhem" que Mikhal Hazan-Popowski
s'est demandé
quel lien il pouvait bien y avoir entre un air basque et le folklore
musical israélien.
- Dès son retour, il chercha
à éclaircir le mystère. Mais n'ayant pu
enregistrer le thème musical commun aux deux mélodies,
les spécialistes musicologues évitèrent
toutes conclusions hâtives.
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- M. Eliyahou HaCohen, musicologue
amateur, lui apprit ainsi que la musicologie utilise des méthodes
de recherche analogues à celles de la linguistique comparative.
"Si vous avez un thème mélodique et que
vous cherchez à remonter vers la source, vous rencontrerez
indubitablement des thèmes d'une ressemblance frappante
qu'il vous faudra comparer avec les précédents,
avant de déterminer la chronologie et la place de chacun"
.
-
- Pourtant, prenez l' Hatikva,
rien de basque, une bonne vieille mélodie de chez nous.
Notre cher hymne national... Vous êtes-vous déjà
demandé comment et à quelles occasions il le devint
?
-
- Saviez-vous que le premier texte
poétique fut rédigé par Naphtali Hertz Imber
en 1848 et qu'il fut publié sous le titre "Tikvateinou"
("Notre espoir") en l886 ?
En réalité c'est l'annonce de la découverte
des décombres de Petah Tikva ("La voie de l'espoir")
qui inspira notre hymne. Il est notable que le thème poétique
originel, ainsi que le poème initial de Imber, intitulé
"Mishmar Ha-Yarden", rappelle le thème
allemand du "Die walht am Rhein" et du "Der deutche
Rhein", c'est-à-dire du fleuve, de la rivière,
de l'eau ; ainsi que celui du chant patriotique polonais, qui
devint l'hymne national de la République polonaise : "La
Pologne n'est pas encore, mais nous vivons toujours".
N'oublions pas que nous sommes à
la fin du siècle dernier dans le yichouv, parmi les immigrants
d'Europe occidentale. Notre jeune troubadour lut son poème
lors d'un séjour à Rishon-le-Tsion à des
fermiers qui lui firent fête. Ce fut un enthousiasme collectif.
C'est aussi cette année-là que Samuel Cohen, originaire
de Moldavie, s'installa à Rishon-le-Tsion et mit le poème
en musique.
- AMNESIE COLLECTIVE
La mélodie, composée par Samuel Cohen, ressemblait
étrangement au chant folklorique moldavo-roumain : Carul
cu boi. Parallèlement les Juifs du yichouv créaient
de nouveaux chants et dans l'atmosphère de création
et de travail, les pionniers éprouvèrent un besoin
de folklore musical. On adopta, on adapta, on inventa des chants
nouveaux, mais on oubliait de retranscrire les mélodies
qui, très vite, devinrent anonymes. On eut dit une amnésie
collective. Le yichouv chantait, il est vrai, mais il oubliait
ses auteurs et ses compositeurs. Seul Abraham Tsvi Idelsohn,
qui s'installa en Israel en 1906, sut retranscrire avec exactitude
et comparer les mélodies diverses.
Ce pourrait être tout. Pourtant rien n'indique encore les
mouvements et les causes qui ont fait adopter l' Hatikva.
De même que rien encore n'indique les raisons de l'adoption
de "Evénou chalom aleikhem", si toutefois
de telles raisons existent.
- Toute mélodie se présente
sous la forme d'une mélodie-mère. Les premières
formes de la mélodie subissent des modifications, chacune
menant vers une mélodie nouvelle dont, dans ce cas précis,
l'Hatikva actuelle est le résultat.
- Ainsi, l' Hatikva fut-elle
adaptée à la prononciation et à l'accent
tonique sépharades, modifiant dès lors la vieille
prononciation ashkenaze antérieure.
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- Partition et paroles de l'Hatikva
-
L'échelle d'harmonisation
actuelle fut instaurée en 1948, car l'union nationale
fut à l'origine de l'union mélodique et linguistique.
Mais c'est Bernardo Molinaro, qui enregistrant l'Hatikva
avec l'orchestre philharmonique israélien, établit
définitivement le code musical de la mélodie.
- Le poème fut, quant à
lui, traduit en anglais, pour la première fois par Israel
Zangwill et en allemand par Heinrich Loewe. Il est presque certain,
qu'à son tour, cette traduction eut une influence sur
les thèmes musicaux étrangers, religieux, peut-être,
car dans certaines familles religieuses sionistes la mélodie
("zmiroth") des psaumes 126 est celle de l'Hatikva.
Toutefois, si l'union mélodique
n'eut lieu qu'en 1948, avec la Déclaration d'Indépendance,
il est nécessaire de préciser qu'en 1933 à
Prague, lors du 18e Congrès Juif, l 'Hatikva fut
solennellement déclarée hymne sioniste. Entre l'hymne
sioniste et l'hymne israélien, il ne restait plus qu'un
pas qui fut vite franchi...
Nous avions débuté
par un chant révolutionnaire basque, nous avons continué
sur l'Hatikva. Les mélodies se suivent, elles s'accordent
et se raccordent, se modèlent au temps et aux populations,
changent de ton et de prononciation. Elles valsent, fluides et
légères. En Israel, plus évidemment encore.
MIKHAL HAZAN-POPOWSKI |