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LA PRESSE SATIRIQUE D'ORAN
 

 Dans les dernières années du 19ème siècle et les premières du 20ème, une foule de journaux, on pourrait mieux dire de fascicules parurent avec la prétention d'être parodiques ou comiques. La plupart de ces feuilles comptaient 4 pages, la 1ère étant consacrée à une caricature, la dernière à des publicités. Les deux pages du milieu contenaient un certain nombre d'articles critiquant parfois modérément, parfois violemment, selon leur courant politique,
- les actions de la municipalité,
- les israélites, soit parce qu'ils étaient considérés comme complices et soutenant cette même municipalité, soit parce qu'ils étaient juifs, par antisémitisme.
- Ceux qui soutenaient la municipalité et les journaux qui lui étaient favorables
- et en vrac, les socialistes, les cléricaux, les néos etc...
 
Les propos étaient parfois insultants, les histoires drôles pas très drôles et assez pauvres.
Ils étaient signés de pseudonymes transparents : Jean Suissure, H. Yle, K. Naris, par exemple.
 
On rencontrait aussi parfois des articles intéressants (à mon sens) .
Vous pourrez en juger au fil de pages qui vont suivre.
 
Parmi ces périodiques, un journal sort du lot. Il a pour titre "le Margaillon". Deux chroniqueurs ( la tia Bolbassa et le tio Petate) en dirigeaient la destinée et se montraient assez spirituels.
Un chapitre spécial lui est ouvert.
Il est le résultat d'une recherche fouillée d'un chercheur passionné et obstiné avec qui j'ai volontiers accepté de collaborer.
Voir le Margaillon

 

 

 Analyse de quelques périodiques
 
 
 

LE PETIT CHARIVARI ORANAIS ET ALGERIEN

Première année N° 1 à 3 - 28 mars au 8 avril 1900
Directeur : Maurice Zimmermann,
Présentation : 4 pages dont 1 de couverture avec une caricature et la dernière consacrée aux publicités.
 
Attaque tout : Les Juifs, le Temple, la loge, réunis en une seule cible, ainsi que le Préfet considéré comme complaisant.
Protestations et critiques des agissements de La Société des Eaux (ce qui ne va pas cesser jusqu'en 1952, année où l'eau douce arrivera dans les robinets)
 

Le Petit Charivari oranais et algérien cède la place
au
TINTAMARRE ORANAIS ET ALGERIEN


N° 1 à 3 du 15 au 20 avril 1900
Directeur : J. Sirat ( en même temps illustrateur)
Secrétaire de la rédaction : Gobert
Administrateur général : Menudier
4 pages. Même présentation que le précédent

J'abandonne la direction politique et la gérance du Petit Charivari oranais et algérien parce l'on m'intente une action en dommages et intérêts pour usurpation de l'ancien titre d'un Charivari dont on a cessé la publication depuis 3 ans
La rédaction en chef est confiée au fougueux Maurice Zimmermann, un homme de cape et d'épée qui saura tremper sa plume acerbe dans l'encre pure de la cortoisie.
N° 3 : M Zimmermann cède sa place à L. Dejean pour cause de départ à Alger


 
LE CHARIVARI ALGERIEN
 
Nouvelle série n° 1 à 11, du 14 octobre au 25 décembre 1906
Consacré surtout à Alger
4 pages grand format, même présentation
Il y a le poète de service avec des poème d'amour légers, des fables de Kaddour (en sabir), des nouvelles des spectacles d'Alger, quelques échos, un humoriste peu doué ou cherchant la facilité. Exemples : "le téléphone, ce qu'il a de bien c'est qu'il transmet des bruits de loin, mais pas les odeurs !", "les caissiers sont endormis car ils sont entre deux sommes"
Des publicités. Les caricatures de 1ère page sont d'Assus, sans grande originalité.
On y retrouve un rédacteur nommé Triboulet
    Pas de critiques des autorités en place.
    Les journaux ont été restaurés et la couleur de l'imprimerie est très atténuée, et ne donnera rien à la photocopie.
    Quelques expressions insolites :
    Les prostituées sont appelées " asphalteuses ", et les souteneurs " des alphonses ".
     
    Un poème qui sort de la moyenne :
S'adaptant à madame la comtesse Ségui de Carréras
Douce, autour d'elle ruisselait
Comme une lumière inconnue
Elle a vingt ans tout juste, elle est
Folâtre, naïve, ingénue
Petite avec un peu d'azur.
Ainsi qu'un ange, elle est de celles
Dont on admire le front pur
Ses yeux d'or sont pleins d'étincelles.
Pareille au gai matin vermeil
Elle est enfantine et superbe
Et sous un rayon de soleil
Semble un rubis fleuri dans l'herbe.

 

 LE LOUSTIC ORANAIS

    Première année. N° 1 à 16 du 1er septembre au 21 octobre 1906
    Paraissant le dimanche
    Rédacteur en chef : Jean Suissure (!)

Le Loustic n'étant ni journal de combat, ni journal politique, nous informons nos lecteurs qui désireraient y collaborer que nous nous ferons toujours un plaisir d'insérer leurs communications, exception faite bien entendu pour celles revêtant un caractère absolument personnel.
….
D'autres, estiment avec nous, qu'il est bon de temps à autre, d'abandonner les sentiers, si battus et rebattus de la politique pour se délasser un peu par la lecture d'un journal local ayant pris pour devise : " pas de politique mais de la critique "

Note : Chronique très plate et triviale de ce qui se passe à Oran, appuyée plus spécialement sur des portraits ou des histoires de " promeneuses " ; des piécettes ou des anecdotes censées être drôles…quelques textes en pataouète ou en sabir. Cela semble de saison…

Textes relevés :

n° 1 - La Bible
La créition du monde

Dans l'commencement il y avi rien di to. Le nuit, il iti comme le zor i le zor comme le nuit. Alorss, on zor qui fizit nuit (ou un nuit qui fizi zor) l'bon diu i passi a Oran di coti d'la Batterie spagnole.
A fource i a la fource di di prom'ni di on coti i di l'autre i s trouvi on maçon spagnol. Di on voix a fir crivi to l'monde, il loui dit :
- Tché, bien ici ! Maint'nant qu'vos ites sans travail vos alli m'fir :
1°) on boule di terre di quarante mélions d'métres ;
2°) on ciel plein di bic d'gaz i on lune rond comme l'cu di M'siou Flam Arion.
Alli, alli, z'vos donne on s'maine por qu'ti m'fabriques to ça. Ah ! i tu si, pas on zor di plos, pas on zor di moinss. Apri ti m'portera la facture.
En iffi, dans huit zor, oila l'système composi.
Pss !... I dire que l'zor d'auzord'hui l'plo grand entriprineur i vo mittra on an i on zor por vo fabriqui on gorbi i encore i fotra partir !
(Anni cent quatre-vingt-houit avant Jisu-Cri)

N° 10 - Une conquête

C'était un soir d'hiver, il faisait un brouillard
A confondre un gendarme avec sa belle-mère
En errant dans Oran, quand sur le boulevard
Je vis passer une ombre indécise et légère.
Je crus voir une femme à son je ne sais quoi.
Elle me sembla jeune, et même assez coquette.
Aussi, le cœur joyeux, quoique rempli d'émoi,
Je me mis à la suivre en rêvant sa conquête
Je m'approche à la fin, je risque un compliment,
On y répond de suite, avec un air charmant,
J'étais fou de bonheur, quand sous un réverbère
Jugez de mon effroi, de ma juste colère
Je vis que l'ange aimé, de mon rêve enivré
L'objet de mes désirs, était… un vieux curé.
H. YLE

 

LE GORILLE ORANAIS

    3 numéros 1er, 15 et 25 juin 1920
    Journal satirique paraissant le 1er de chaque mois et plus souvent s'il le faut,
    Rédacteur en chef : G. Bonoeil
    (calembour ?)
    Adresser lettres et mandats : M. Amar, 25 rue des Jardins
    Abonnement gratuit
     
    Remarque : Apparemment M. Amar appartenant au Consistoire israélite et accusé d'avoir commis quelques irrégularités a été renvoyé. Il a donc créé un journal qui n'est destiné à une seule chose : attaquer celui qui l'a renvoyé !!
    Cela ne donne pas très bonne idée de la communauté israélite et attire inutilement l'attention du public.
     
    Pourquoi ce titre ?
    Le Gorille appartient à une famille de singes qui naissent dans l'Afrique équatoriale. Il est plus grand que les autres singes. Sa robe est noire et c'est sa couleur sombre et mauvaise qui le rend odieux à la vue et au toucher.
    A Gibraltar, débarqua un jour un être humain à figure de gorille. Méchant et haineux, il se mit à attaquer les personnes les plus honorables et les familles les plus honnêtes. Il semait la division partout et la discorde dans les milieux les plus unis.
    Il publia sous le titre El Mono, des articles violents, aussi noirs que son poil, contre les uns et les autres sans autre but apparent que celui de faire le mal. On le laissait baver par dédain ou par peur. Mais il s'enhardissait davantage et causait un scandale inouï.
    Un jour il trouva son maître. Un pauvre diable qui n'avait causé aucun dommage à personne fut pris à partie par le dangereux animal, sous un prétexte des plus futiles.
    Il fut appréhendé et corrigé d'importance. Il immigra vers d'autres lieux d'où on n'entendit plus parler de lui.
    C'est ce qui arrivera certainement au singe d'Oran qui a d'étroites accointances avec celui décrit plus haut, s'il continue à infester notre ville de ses écrits.
    Notre feuille entreprend une campagne de droiture sans idée de spéculation.
     
    Ma première à Juda Lévy
    A bon chat bon rat
    Juda Lévy continue à expectorer sur les uns et sur les autres sa prose insane et soporifique. Il publie sous le n° 8 de Ko Akahal un fatras de choses innommables…/…/
    Juda Lévy me reproche de n'avoir pas réfuté ses prétendues révélations au sujet des irrégularités dont serait entaché le dernier scrutin qui a envoyé siégé au Consistoire douze notables israélites, tous élus à la presque unanimité des votants - 1200 voix en moyenne sur 1250 votants - et cela sans la moindre fraude et en dépit des manœuvres employées par des adversaires aux abois. Je ne perds généralement pas mon temps à pourfendre le néant. Etc…
     
    N° 2 - Le Gérant devient M. Pissembon. (Signature D. Pissembon) Ce n'est donc pas un calembour.
     
    Notes : La synagogue de la place de Naples, est appelée la synagogue Lasry. Elle est peu fréquentée et sera fermée.
    M. Lévy est président du Consistoire d'Oran
    Le Grand Rabbin d'Oran est M. Jonas Weill.

 

 

ORAN GAÎTE

N° 1 à n° 7, du 13 janvier 1934 au 17 mars 1934
Bimensuel paraissant le samedi, humour et satire

Contre tout, Menudier, Lambert, Dubois, Mgr Durand, etc…
Lourdes gauloiseries
Pas de nom de rédacteur en chef. Des pseudos : SHLASS, Paul Hisson, tonton zibzib

 

 

LE PETIT ORANAIS

Série 12, n° 1 - 3 janvier 1936
Feuille de 2 pages, Fondateur C. Vidal,
Organe officiel du parti Molle (Unions latines et Parti républicain indépendant)

Remarques : Le Docteur Molle était antisémite, tendance dure. Il avait été maire d'Oran de 1921 jusqu'à sa mort le 9 janvier 1929.
C'est un journal ordurier qui dénature les faits, et ne prend dans les dialogues que les phrases qui l'intéresse en les dénaturant.
Journal anti-Lambert, on peut le comprendre, mais beaucoup trop virulent et insultant
Très antijuif, allant jusqu'à accuser tous les criminels d'être des juifs et tous les troubles d'être fomentés par des juifs, Lambert soutient les juifs qui l'ont élu, etc…
 
Des promesses aux réalités
Depuis deux ans, nous vivons une bien étrange aventure.
Elu maire à la faveur d'une monstrueuse équivoque et d'une campagne de mensonges et de calomnies systématiques, le curé de farce Lambert, professionnel du pendule et de tours mirobolants, devait faire jaillir de ses puits de Brédéah un fabuleux Niagara d'eau chimiquement et bactériologiquement pure, douce, cristalline
Par surcroît, ayant pris des leçons de sapience municipale auprès du maire blackboulé d'Alger, M. Brunel, il nous avait promis de transformer la cité, en l'espace de quelques mois, en un véritable Eldorado. Il allait nous doter de palais de croquet, comme dans la ronde enfantine ; les rues seraient pavées de nougat, et les oiseaux fienteraient du caramel.
Deux ans sont passés, et rien n'a été réalisé.
L'eau que nous buvons, puisée aux abords de la grande Sebkha, est toujours chargée en sel et en calcaires nocifs malgré les dizaines de millions dépensés pour l'améliorer. Et les marchands d'eau, les guerab, avec leur peau de bouc et leurs gobelets de cuivre pullulent dans les rues et font des affaires d'or, en même temps que se multiplient les cas de fièvre typhoïde. Mais M. Blachette (1) a obtenu la prorogation de son contrat d'affermage, privant la commune de bénéfices appréciables de l'exploitation d'un service public qui devait lui revenir à l'expiration du bail.
Par ailleurs le budget municipal est mis au pillage par une nuée de parasites voraces. Le trafic d'influence, le pot de vin sont érigés en système d'administration. La mairie est à la fois une cour du roi Pétaud et une bourse des affaires dans la réalisation desquelles Lambert-Macaire et Maraval-Bertrand déploient des qualités prodigieuses d'audace et de ruse.
Mais, l'un d'eux, Maraval, s'est fait prendre la main dans le sac. Le scandale a éclaté publiquement. D'autres ont été révélés. Il n'est de séance de Conseil municipal où nos édiles ne se traitent mutuellement d'escrocs, de voleurs et de bandits....
(et cela continue dans la même veine !)
(1) Blachette était le gérant de la Société des Eaux.
 
Il a été jugé inutile de continuer la lecture de ce périodique.
 

 ORAN SPECTACLES


Directeur Léopold Gomez,
Rédacteur en chef Albert Schokron
N° 311 - septième année
 
Note : Périodique parmi les plus intéressants. Les propos bien qu'hostiles à la Municipalité en place sont plutôt bien tournés. L'équipe ne manque pas d'humour et le Directeur Léopold Gomez est un érudit, écrivain et cinéaste.
Il était au début, du côté de l'Abbé Lambert qui était venu le voir et lui avait proposé d'être "son journal porte-parole". Les propos de l'abbé qui avait un charisme étonnant à son arrivée avaient plu à Léopold Gomez qui avait promis de la soutenir, d'autant plus que Lambert lui avait, lui, promis de lui donner un poste de conseiller dans sa future municipalité qu'il était sûr de conquérir.
Malheureusement, une fois en place, le maire Lambert ne tint pas sa parole et Léopold Gomez passa dans l'opposition écrite.
 
N° 311 - Mai 1935
Les jeux sont faits
…. Nous avons dit et redit depuis des mois que l'abandon pour six ans de la Mairie aux mains de l'ensoutané et de sa bande équivaudrait indiscutablement à la perte de notre cité. En quelques mois, le curé Lambert a mis à sac les caisses municipales. Qu'en sera-t-il pour plusieurs années de gestion ?

Ballade Ratichonesque pour célébrer le blackboulage du Curé :

Prêtre qui nous vint en tartane
Nul, hélas, ne sut jamais d'où :
De Pékin ou de l'Ougandou,
Du Plan de Cuq ou d'Ecbatane !
Clos ta parlotte charlatane
Avant que tinte l'Angélus
Ou que geigne la tramontane :
Les jeux sont faits, rien ne va plus !

T'imagines-tu, Dieu me damne,
Toujours courir le guilledou
Toi qui flambe comme amadou
Près de Suzon, aigre sultane ?
De ta galère capitane,
O maire des hurluberlus,
Roule le foc de tarlatane :
Les jeux sont faits, rien ne va plus !

Oui, l'heure sonne, par Sainte-Anne,
Cher curaillon, de filer doux !
Foin de boniments au saindoux !
Foin de promesses, de guide-âne !
Que la voix te hue et condamne
De Caliban et, qu'au surplus,
Sa botte, les fesses, te tanne :
Les jeux sont faits, rien ne va plus !

ENVOI
Prince ! Il est temps que vers Catane
Ou Saint-Flour, te mène le flux
Avec ton casque et ta soutane
Les jeux sont faits, rien ne va plus !

N° 312
11 mai 1935

Hymne à la gloire de Saint-Lambert
Soyez loué, Seigneur ! enfin Gaby nous reste
Avec son casque d'or.
Avec son noir habit, son pendule et ses gestes
Et autre chose encor !

L'homérique gaîté qui secouait la ville,
Six ans, perdurera ;
Le couple de lions de notre hotel de ville
De joie en pissera !

Une aube de bonheur avec la lune rousse
Montera dans le ciel
Et l'eau de nos bidets sera limpide et douce
Ainsi qu'azur et miel !

Oui, closes pour toujours seront les maisons closes,
Comme un chaste sérail ;
La myrrhe embaumera les lambertistes proses,
Non le poivre ni l'ail !

On inaugurera chaque jour des latrines
Une pompe, un égout
Et Suzanne et Martha aux chairs aldutérines
A ce jeu prendront gout !

On allègera plus, cher Oran, tes finances
D'un seul maravédis
Les voleurs vainement pour se remplir la panse
Quêteront un radis !

Mais surtout, ô Seigneur, moi qui céans m'amuse
A chroniquer en vers
Gaby, longtemps encore captivera ma muse
Avec ses yeux pervers !

Je me divertirai, cherchant la rime à casque
A trogne, à lupanar
Et l'électeur séduit, et l'électeur qui casque
Applaudiront mon art.

Mieux que Fouque et Berland, mieux même que Dandine
Certes, l'on peut sonner
Ce curaillon exquis qui jase et se dandine
Vermillonnant son nez !

Ah ! si j'égale un jour la folle truculence
De Maître Rabelais ;
Si le rythme ravit de mon vers qui s'élance
Comme un poignard malais ;

Si raillant sans aigreur ton ire qui menace
Et ta soif de baril
J'atteins, dans un éclair, le sommet du Parnasse
De verts lauriers fleuri :

Soit à jamais béni, maigre prêtre en délire
De Saint-Flour débarqué
Et tandis que je chante enivré sur ma lyre,
Bois et rebois le jus de treille à plein baquet !
Mickey

 

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