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ORAN RIGOLE


Revue locale en trois tableaux
De MM Adolphe Argenteri et Pierre May, pour les paroles
Musique nouvelle de MM Claudius, chef d'orchestre du théâtre Talaza , Chef de musique, Verdier, chef d'orchestre à l'Eden concert
Sur les airs connus des meilleurs auteurs à la vogue
Mise en scène de M. Marquis, Régisseur général
Représentée pour la première fois le 6 février 1897 sur le Théâtre municipal d'Oran

 

 PROLOGUE - PRESENTATION

 La critique oranaise

Seigneurs, dames et demoiselles
Jeunes dandys et vieux messieurs
J'ai ce soir replié mes ailes
Et viens me mirer dans vos yeux

Je suis la Critique ingénue
La Critique de tous par tous
Qui suit au hasard de la rue
L'habit, la robe ou le burnous

Je suis la Critique oranaise
Leste d'allure et de maintien
Qui rit et s'amuse à son aise
De tout, de peu, ou bien… de rien

J'ai laissé croître avec paresse
L'ongle rose au bout de mes doigts
Mais ce n'est qu'en une caresse
Qu'il égratigne quelquefois

On pourrait dans la vieille Europe
Sous les brumes et le frimas
S'excuser d'être misanthrope
Dans la jeune Afrique, non pas !

Sous ce ciel où tout chante et vibre
Je mêle en toute loyauté
L'indulgence de mon cœur libre
Au fol éclat de ma gaîté

Mais la main franche et familière
Quand je suis seule… comme ici,
Je joue, ainsi qu'une écolière
Avec le joujou que voici.

Car, c'est la vie.. ou c'est tout comme :
Un Guignol ! … Tir à volonté !
Je vise… et j'abats mon bonhomme…
Ou le bonhomme d'à côté

Qu'il soit manant, pacha, ministre
Rond de cuir, rasta gros d'orgueil
Amiral suisse ou simple cuistre
Hardi la balle ! Et pan ! Dans l'œil !

Ah ! Les promesses de réformes
Les projets dix fois chevronnés
- Attends ? dit-on ! Plantez des ormes
Hardi la balle ! Hop ! Sur le nez

Vous voyez, pas un n'en échappe :
Le coup ne va pas loin, mais droit
Un petit bravo si je frappe
Hardi la balle ! Au bon endroit.

Mais quand ils sont tombés en masse
Pif ! Paf ! Ainsi qu'il est normal
Pauvres pantins je les ramasse
Ils ne s'en sortent pas plus mal.

Donc, dans mon menu s'il se glisse
Ce soir quelques petits extras
Pimentés d'un brin de malice
Toi seul public, les y mettras.

Sois-moi clément : je serai brève
Je veux - fut-ce au prix d'un baiser
Vivre une heure oh ! Pas plus ! - un rêve
Dans la gloire de t'amuser.

 

PREMIER ACTE

 

 1 - Choeur des 4 Commissions
Air de Galathée
 

Ah ! Qu'il est doux de ne rien faire
Quand tout s'agite autour de nous
Que d'autres pour le populaire
Perdent leur temps et leurs efforts
Moi je dors ! (bis 4 fois)

Dormir est un plaisir céleste
Travailler serait un tourment :
Tout budget nous semble indigeste
Et tout rapport, oui tout rapport est assommant

Les vains discours s'en vont aux brises
Les vains projets aux cartons verts
C'est en dormant, bons ou pervers
Que l'on fait le moins de bêtises.
En dormant (bis 4 fois)
 

 2 - Duetto des Voeux
Air du chat noir
 

Cassioli
Non, ce n'est pas croyable
Laisser en ce chalet
Vendre au contribuable
Autre chos' que du lait
 
Poupardas
Le lait ! Boisson suprême !
Mais quel contraste', mon bon
Avec la place elle-même
Tout' noire de charbon

Ensemble
D'un meilleur sort dignes
Nos projets, ma foi
Ont toutes les guignes
Qui dira pourquoi
Viv' l'insouciance
Sans nous fair' des ch'veux
Pour prendr' patience
Formulons des vœux

Poupardas
Rappelez-vous ma vieille
Que nous somm' les auteurs
D'un plan, pure merveille
Pour l'chemin des Planteurs

Cassioli
Pour placer l'obélisque
Nous fim's un autre plan
Et le monument risque
De rester sur le flanc

Ensemble
Les Tram's électriques
La fontaine Aucour
Sont chos's magnifiques
Qu'on attend toujours
Mais, en l'an deux mille
Et grâce à nos vœux
La superbe ville
Qu'auront nos p'tits n'veux !
 

 3 - Duetto des Conseillers
Parodie de Miss Helyett
 
Pour marcher à travers la ville
Dans le quartier haut (bis)
C'est une chose pas facile
Sachez ce qu'il faut (bis)
Faut s'grouper en caravane
Avant le trajet
Et s'armer d'une longue canne
Qui fait le crochet
Faut porter d'la bonne chaussure
Avec de gros clous
Pour avoir la marche sure
Et s'garer des trous.

Pour v'nir à l'Hôtel-de-Ville
Le fait est prouvé
Faut être sauteur habile
Gymnaste éprouvé
Faut, cela tourne à la scie
Citoyen prudent
Faut s'munir d'un' pharmacie
En cas d'accident
Faut pas fair' de la voltige
Au moindre faux-pas
Quiconque irait d'son vertige
N'en reviendrait pas
 

 4 - Duo de Li-Hung-Tchang et de la Mère Ibrahim
Parodie du Petit Duc
 
Li-Hung-Tchang
La femme et le cheval kabyle
Sont la crème des animaux

La Mère Ibrahim
Ce n'est pas tout : soyez habile
Et n'oubliez pas les chameaux

Li-Hung-Tchang
La femme est douce, elle travaille
Soigne son maître à la maison

La Mère Ibrahim
Mais pour vous suivre à la bataille
Il vous les faut (bis) de ma façon

Li-Hung-Tchang
Le cheval est notre conquête
La plus noble, disait Buffon

La Mère Ibrahim
Mais pour nous la vôtre fut faite
Avant celle du canasson

Li-Hung-Tchang
Et les chameaux, dis, pourquoi faire ?
Vivront-ils loin de leur ciel bleu ?

La Mère Ibrahim
S'il n'en reste qu'un, petit père
Je serai celui-là, morbleu

Li-Hung-Tchang
Ah les chinois (bis) auront beau jeu

La Mère Ibrahim
Ah ! Si j'en suis le progrès viendra sous peu
 
Ensemble
Vive l'empire du milieu
 

 5 - L'Exposition
air de la valse des cent vierges
 

S'il est vrai que toujours
Tes projets, ô pauvre ville
N'ont été que des fours
Moi je mettrais dans le mille.
Vive Oran ! Sur ma foi
Qu'on t'admire et te proclame
Ciel d'azur, cœurs de flamme
L'avenir est à toi.

Paris non plus, n'est pas né de la veille
Tu dois bientôt être un petit Marseille

De nos trésors, je rassemble l'élite
Trésors trop peu connus
Si le décor semble cosmopolite
C'est un charme de plus
Les algérois déçus
Nous voyant si cossus
En resteront déçus
Tra ! la ! la ! tra ! la ! la !

L'étranger dira : Oran se fit belle
Pour nous, à grands frais
Tout exprès
S'écriant qu'elle est la ville nouvelle
Qui pousse en un an
Comme Oran
Français, comme arabe, espagnol ou suisse
Ou Napolitain
De bon teint
Vous y serez tous, je veux que l'on puisse
Voir dans mes salons
Nos colons !
 

Terre chérie
A l'air si pur
Belle Algérie
Palais d'azur
Nouvelle France

 Ton espérance
Ne te ment pas
De l'autre rive
La France arrive
Ouvre les bras !

Il n'est plus parmi nous de clans ou de querelles
Vive la France et tout pour elle !
 

6 - Duetto de l'Agent cachir
Ousqu'est St-Nazaire
 

L'Agent
Quel est l'agent l'meilleur ?
Et le plus dégourdi ?
C'lui-là, y a pas d'erreur
Que l'on trait' de youdi

Cassioli
Beaucoup d'bruit et peu d'travail
Nous dira-t-on c'est un détail
Pour assommer un militaire
Cinq contre un, nul n'les vaut sur terre
Devant l'chef aplatis
Mais forts contre les p'tits !
Arrogants, intrigants
On ne leur parl' qu'avec des gants

L'Agent
Mais qu'il y a, mon Dieu
D'ingrats en haut lieu
C'qu'on devrait fair' au lieu de nous tourmenter
Ma parole d'honneur, c'est d'nous augmenter
On nous fait la guerre
Tous ces conseillers, sacrédié
En leur cœur ne nous ont guère
Mais rien n'vaut l'agent cachir
Pour servir

Cassioli
L'ordre qu'il applique
Il sait sans moisir
Le choisir
Et sa force sans réplique
Car il ne sait pas seulement
S'il y a un règlement
 

 7 - Le Pavé en bois
air de la berceuse bleue
 

Je suis le pavé
Issu d'une forêt vierge
Je suis le pavé
Tel que vous l'aviez rêvé
Mais l'innovateur
De ce genre de chaussée
Mais l'innovateur
Devait être un patineur

Moi venant du nord
Rude sapin de Norvège
Moi venant du nord
Chacun me croyait très fort
Il est arrivé
Que sous la moindre voiture
Il est arrivé
Que sur tous points j'ai crevé

Quand il ne pleut pas
C'est alors que l'on me sable
Quand il ne pleut pas
Ça m'chatouille du haut en bas
S'il pleut l'arroseur
Unit son jet à la pluie
S'il pleut l'arroseur
Fait glisser tout le monde en chœur

Je suis vermoulu
Et chaque jour plus malade
Je suis vermoulu
Si jeune, hélas, qui l'eut cru
Les cochers l'diront
C'était vraiment bien la peine
Les cochers l'diront
D'avaler tant de goudron

Enfin je suis las
De mes vains raccommodages
Enfin je suis las
Et je ne guérirai pas
Et bien essayons
D'paver comme dans l'autre monde
Et bien essayons
Avec des bonnes résolutions
 

 8 - Les Toreras
Air : Allume ! allume !
 
Flor d'espana, si señor
Del débarcadéré
Nous bénons por fairé
Corridas dé mort

Porqué, vera su merced
Somos muy zentilles
Con las banderilles
Pero, sabe usted
Ici, comme en nuestra patrie
Olé
Tra la la la la la la la
 
Ay ! que corridas bamos à dar
Somos des artissés
D'oun zenre à part
Si quiere usted nos accordar
La petit permissé
D'estoquéar
 
L'espad' est dans notre goût
Ça cé fait en France
Tambien en Provence
Ça cé fait partout
Les hommes bous le sabez bien
Ils aiment les femmes
Qui sont fines lames
Et n'ont peur de rien

Après nos passes, nos estocades
Quels coups
Tra la la la la la la la
D'amor ils en tombent malades
Mais nous ?
Tra la la la la la la la
 

 9 - Chanson arabico-Russe
La machtagouine

Dans la ville lumière, Ya barka
En wagon de première, Ya barka
La smala débarqua
Selam alikoum ya sidi, chouïa
Besaf fantasia , Ya barka
 
La nouba venait en tête, Ya barka
Comme' pour une conquête, Ya barka
Ronflaient les darboukas
Sous une pluie de roses, Ya barka
A le faire à la pose, Ya barka
Chacun de nous s'appliqua
 
Dans les rues de la ville, Ya barka
Façon plus que civile, Ya barka
Tout l'monde nous reluqua
Les hommes en délire, Ya barka
Ne sachant plus que dire, Ya barka
Nous offraient le moka
 
Une superbe escorte, Ya barka
Suivait notre cohorte, Ya barka
Partout on nous r'morqua
Puis les petites femmes, Ya barka
Nous donnèrent leurs âmes, Ya barka
Même un peu plus que ça
 
On sabla du champagne, Ya barka
En battant la campagne, Ya barka
Du coran on s'moqua
Avec de belles moukères, Ya barka
L'soir aux folies bergères, Ya barka
Nous pincions des polkas
 
Le moral de ces fêtes, Ya barka
C'est que nous sommes prophètes
Ya barka
De France en Kamchatka

 10 - FINAL
air de la séguedille des mules de la Périchole


Li-Hung-Tchang
Ce spectacle est joli
L'harmonie est parfaite
Ce spectacle est joli
Tous les cœurs sont en fête

La Mère Ibrahim
Soyez donc plus poli
Félicitez ces dames
Soyez donc plus poli
Tous s'est fait par les femmes

Les Conseillers
Par les impôts aussi
Il faut bien qu'on le dise
Par les impôts aussi
Le pays fraternise

Les Toreras
N'en prenons nul souci
Sous ce ciel où tout pousse
N'en prenons nul souci
Et coulons-nous-la douce

Les Conseillers
On vit ici d'amour
Bien que battant la dèche
On vit ici d'amour
D'espérance et d'eau fraîche
 
Les Arabes
Il viendra bien un jour
Tout vient en cette vie
Il viendra bien un jour
Le tour de l'Algérie
Mais quel jour ?
Un beau jour !

Ensemble
C'est par mille et par mille
Que par ces procédés
Que l'on les assimile
En avant le progrès
 
Les Conseillers et les Toreras
Messieurs, finissons-en !
 
Les Arabes
Quel chic a l'andalouse
 
Les Conseillers et les Toreras
Messieurs, finissons-en !
 
La mère Ibrahim
Je n'en suis point jalouse
 
Ensemble
Et crions : vive Oran
Notre ville chérie
Et crions : vive Oran
La France et l'Algérie


Voir le deuxième et dernier acte

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