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HISTOIRES D'OPERA A ORAN
 

 

L'Opéra d'Oran

Hommage à Lysette Chevallier

Une figure lyrique : Fanély Révoil

Le chant du diable

L'Opéra d'Oran de 1860 à 1962

 
 
 
 

L'OPERA D'ORAN (1907-1962)
 
 
 
 
Une importante étude sur l'Opéra d'Oran figure dans un de mes livres : "Récits autour d'Oran" (Editions Mémoire de Notre Temps) Voir
Cependant l'Echo de l'Oranie a publié un très bon article de Roger Arnaud que je vous livre ci-dessous (avec autorisation du journal)
Une autre histoire monumentale de cet Opéra a été écrite par Danielle Pister-Lopez, dans la revue l'Algérianiste. Je pense que comme elle a livré cette histoire à la lecture de nombreuses personnes, elle ne se formalisera pas si je lui offre d'autres lecteurs.
 
 

L'Opéra d'Oran, moins ancien que celui d'Alger, mérite de retenir notre attention.
 
A Oran, en 1905, un homme de valeur présidait aux destinées de la Cité. Cet homme Hippolyte Giraud possédait une rare culture, nourrie et affinée par l'expérience acquise au cours de nombreux voyages dans diverses grandes villes du monde et voulait en faire profiter sa ville. Il décida de doter Oran d'un nouveau théâtre en remplacement du "vieux" casino Bastrana, de la rue de Turin, qui n'était plus digne, il est vrai, d'une population de plus en plus dense et dont le goût pour les Arts s'affirmait chaque jour.

En septembre 1905, en bordure d'un terrain vague, il eut la joie de présider à la cérémonie de la pose de la première pierre du futur monument, ayant à ses côtés MM. Jonnart, Gouverneur Général, Etienne et Gautier, Ministres.

Commencée en 1906, la construction fut terminée en 1907 et, sous la désignation "d'Opéra Municipal d'Oran", inaugurée le 10 décembre 1907. Elle occupait sur la place Foch, un emplacement faisant pendant à l'Hôtel de Ville construit en 1888.
 
Le théâtre était composé de 2 étages, bâtis au-dessus d'un rez-de-chaussée surélevé auquel on accédait par un grand escalier extérieur de 12 à 15 marches.
La façade du rez-de-chaussée comportait dans sa partie centrale, une grande porte de fer forgé couvrant sur la salle d'accueil, d'où partaient deux larges escaliers montant sur trois étages intérieurs du monument.
 
 
 
La partie s'élevant au-dessus du rez-de-chaussée était majestueuse, elle prenait jour sur la place Foch par trois grandes et hautes portes-fenêtres, éclairant la vaste salle du foyer principal. Les ouvertures, de style roman, étaient garnies sur le devant, par trois balcons arrondis, à balustrades de pierre, et ornées, dans le haut de motifs d'architecture sculptés où moulés du plus bel effet. Des deux côtés de la face rectangulaire, s'élevaient deux tours carrées, avec des ouvertures de même facture que les grandes baies du foyer ; ces tours étaient surmontées de deux coupoles dorées, coiffant quatre pilastres, et garnies de motifs décoratifs architecturaux.
Entre ces coupoles, un groupe sculptural, réalisé par Fulconis, représentait plusieurs personnages dont une femme, drapée à la mode antique, élevant son bras droit vers le ciel, tandis qu'elle tenait une lyre dans son bras replié.
Pour la soirée inaugurale, le 10 décembre 1907, les premiers Directeurs de la nouvelle scène municipale, MM. Portal et Grazi avaient choisi "Faust", l'opéra de Charles Gounod en 5 actes et 7 tableaux, d'après le poème dramatique de Goethe. Les interprètes étaient de célèbres chanteurs métropolitains de l'époque, venus spécialement à Oran : Mme Novello (Marguerite), Mme Cle-Lange (Dame Marthe), M. D'Esterel (Faust), M. Cabrol (Méphistophélès), M. Jeannot (Valentin) ;
l'Orchestre dirigé par le Maître Koderic, ne comprenait pas moins de quarante musiciens. La représentation fut un triomphe.
Elle n'était que le prélude du grand répertoire classique, qui fut joué pendant toute la première saison : Sigurd, Hérodiade, Guillaume Tell, Lohengrin, l'Africaine, Werther, Carmen, les Mousquetaires au Couvent, la Mascotte, bref, des pièces qui avaient fait la preuve de leur qualité.

Par la suite, de 1907 à 1957, et même pendant les périodes troublées, d'abord de la grande guerre 1914/18, puis de la drôle de guerre 1939/40, l'Opéra d'Oran fut le lieu de grandes manifestations culturelles qui se succédèrent sans arrêt, mettant en valeur tout le répertoire français en matière d'art lyrique et chorégraphique, joué à Paris et repris à Oran : opéra, opérettes, ballets classiques et modernes. On peut parler de grand répertoire. Les responsables de notre première scène qui se sont succédé depuis la grande première en 1907, donnèrent satisfaction au fil des saisons, aux nombreux amateurs oraniens de Bel Canto, par la représentation d'ouvrages de qualité : la Tosca, la Bohème, Rigoletto, Aïda, la Juive, les Pêcheurs de Perles, le Barbier de Séville, la Favorite, Cosi Fan Tutti (gala des jeunesses musicales) et Lucie de Lamermoor, le Pays du Sourire, Véronique, Princesse Csardas, la Veuve Joyeuse, le Comte de Luxembourg, les Trois Valses, Frasquita, la Vie Parisienne, les Noces de Jeannette, Valses de Vienne, Ciboulette, la Cocarde de Mimi Pinson, etc.

Pour l'interprétation de ces chefs-d'oeuvre, l'Opéra d'Oran avait recours à de grands artistes, de chanteurs en renom français ou étrangers dont la liste non exhaustive comprenait notamment : Jeanne Campredon, Lyse Charny, Lyse Lanouzzi, Andrée Guiot, Mady Mesplé, Lucienne Denat (Oranaise), Lucienne Anduran, Andrée Esposito (Algéroise), Simone Couderc, Caroline Dumas. Et côté hommes, Chareski, César Vezzani, Valéry Blouse, Villy Tunis, Louis Musy (Oranais), José Luccioni, Pierre Savignol, Gabriel Bacquier, Ernest Blanc, René Bianco, Michel Dens, José Mallabrera (Oranais), Albert Lance, José Janson, Tony Poncet, Guy Fontanière, Daurlec.
 
Entre les deux guerres, la saison comportait des périodes distinctes d'un mois environ chacune, réservées successivement à l'Opéra, à l'Opérette et à la Comédie. En outre, des représentations purement musicales étaient données par des musiciens en renom tels les violonistes Jacques Thibaud, Yehudi Menuhin, les violoncellistes : Pablo Casals, Henri Bartok ; les pianistes : Alfred Cortat, Niemenski, Reuchel ; la harpiste : Wanda Landowski et enfin le quatuor Zimmer.
Bien souvent, des tournées de troupes complètes ou d'artistes individuels, qui jouaient à Alger auparavant.

Les conférenciers de la plus grande renommée étaient écoutés dans la grande salle de l'Opéra par un public averti. Enfin "les Jeunesses musicales" et les Sociétés Locales, les tournées Barret, Herbert Karsenty donnaient régulièrement de très belles représentations culturelles. Les ballets internationaux et français y représentaient les chefs-d'oeuvre de la chorégraphie.
 
Les 2 et 13 mars 1957, eut lieu à l'Opéra à Oran, une grande manifestation d'art lyrique, pour la célébration du cinquantenaire de l'inauguration de l'Opéra. Le Maire de la ville d'Oran était M. Henri Fouques-Duparc, et tout fut mis en oeuvre, pour faire de cet anniversaire de l'Opéra, un véritable triomphe d'art lyrique.
Dans la préface du programme éclectique, édité pour la circonstance, le Maire exposait les caractéristiques de ce qui avait été le théâtre municipal depuis 1907, et de ce que représentait la manifestation du jour venant célébrer un demi-siècle d'existence et de succès. M. Fouques-Duparc rappelait que le Conseil Municipal avait décidé de jouer pour le cinquantenaire de l'Opéra, le même Faust qui avait été présenté en 1907 pour l'inauguration de la scène.
Pour la petite histoire, le Maire donnait les précisions suivantes : le prix de la construction n'avait pas atteint le demi-million ; l'ameublement complet avait coûté 31.800 francs ; la peinture décorative des murs, plafonds et foyers était adjugée pour 1.500 francs ; et le tarif des places s'échelonnait de 1,50 Frs à 4 Frs.

Cinquante ans après, il avait paru tout indiqué de célébrer l'anniversaire de cette inauguration par une représentation de gala du même Faust de Gounod, toujours jeune malgré l'épreuve du temps, pour mieux marquer la pérennité de l'oeuvre accomplie depuis ce premier spectacle.
Nonobstant les difficultés de toutes sortes, inhérentes aux heures troublées qui étaient celles de l'Algérie depuis le jour de Noël tragique de 1954, l'Opéra continuait à briller d'un vif éclat. Beaucoup de grandes villes de la métropole admiraient les programmes donnés aux Oranais. On reconnaissait la sagesse de la gestion en régie directe, on enviait le prestige dont la scène municipale était auréolée. Le Maire expliquait, que si le public continuait à venir très nombreux à l'Opéra, c'était la qualité des spectacles qui en était la cause. Mais ajoutait-il, cela était dû aussi, à la volonté des Français d'Algérie de maintenir et d'affirmer la présence française dans ce pays que tous aimaient avec passion.

Le théâtre en effet, était l'un des aspects du rayonnement de notre génie national, si divers dans sa grandeur. La saison, commencée en 1956, continuée en 1957, était la marque du désir commun de tous les Français d'Algérie, et en particulier des Oranais, de voir la paix renaître, et les départements algériens reprendre leur essor. Cette saison, comme les précédentes, était l'expression d'un vivant espoir, et comme un vibrant acte de foi en l'avenir. En signant ces lignes, M. Henri Fouques-Duparc ne prévoyait pas la fin de l'Algérie française, en 1962.

Retournons, pour finir notre chronique, à l'Opéra en 1957 : les programmes, distribués aux nombreux participants de la fête, reproduisaient textuellement, la traduction de Gérard de Nerval, du prologue de Faust, écrit par Goethe :
 
Eh bien ! rends-moi ces temps de mon adolescence
Où je n'étais moi-même encore qu'en espérance
Cet âge si fécond en chants mélodieux,
Tant qu'un monde pervers n'effraya pas mes yeux ;
Tant que, loin des honneurs mon coeur ne fut avide
Que de fleurs, doux trésors d'une vallée humide !
Dans mon songe doré, je m'en allais chantant
Je ne possédais rien, j'étais heureux pourtant
Rends-moi donc ces désirs qui fatiguaient ma vie,
Ces chagrins déchirants, mais qu'à présent j'envie,
Ma jeunesse ! .... En un mot, sache en moi ranimer,
La force de haïr et le pouvoir d'aimer !

Le spectacle du cinquantenaire, se déroula au milieu des bravos et des applaudissements réclamant les Bis. Ce fut un triomphe !!
Comme pour l'inauguration, la salle avait été archi-comble et le spectacle eut lieu dans l'enthousiasme, ce dont on se souvient tant d'années après, et que l'on ne peut oublier.

Roger Arnaud (droits réservés)
Echo de l'Oranie n° 296 - janv fev 2005

 

Hommage à Lysette Chevallier

 

Sans bruit et sans chichis, Lysette s'en est allée...

Bien qu'élevée dans une famille adoptive bourgeoise très conventionnelle, Lysette Chevallier fut très jeune attirée par le chant et organisait des spectacles pour ses camarades. Elle participait à des matinées récréatives ou des petits concerts au profit d'oeuvres, mais le véritable déclic se fit à l'opéra de Paris où ses parents l'emmenèrent voir Faust.

Lors de l'un de ses concerts à Tours, Mme Bernadette Delprat, de l'Opéra-Comique la remarqua et proposa de lui donner des cours de chant. Elle continua à se produire en concert, dans le difficile répertoire de l'oratorio où elle fut toujours remarquée pour "sa grâce, son élégance et sa voix au registre étendu, aussi pure dans le médium que dans l'aigu et sa parfaite diction..."

Engagée au Théâtre de Tours, elle débute dans Phi-Phi et, très vite remarquée par M. Camp, alors directeur du Théâtre de Rouen, elle poursuit son apprentissage du théâtre en Normandie, passant avec succès du mélo au vaudeville, de l'opérette à l'opéra, acquérant ainsi de grandes connaissances. Elle pût alors aborder une multitude de rôles qui la menèrent sur les grandes scènes françaises de Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, l'Opéra-Comique, mais aussi à l'étranger : Liège, Bruxelles, Lausanne, Casablanca, Alger, Oran et le Canada.

Elle connut la joie d'être la partenaire de grands artistes tels que José Janson, Reda Caire, Lucien Huberty, Michel Dens et de merveilleux camarades tels que Luis Mariano ou Mado Robin dont elle garda un souvenir très ému.
A Bordeaux, ses prestations de Sidonie Panache aux côtés de Marc Dréhan laissèrent un souvenir inoubliable. Elle tourna également aux côtés de Fernandel, et ce fut aussi un autre très bon souvenir.

Elle était la musique, le charme, la distinction, l'élégance, joints à la plus grande simplicité et à l'amour pur de son métier. Elle était aussi la discrétion même, et avait tenu secrète sa décoration des Palmes Académiques.

Bernadette Moreau Chevallier et Maryse Ghibaudo. (droits réservés)

Nota du webmaster
 
J'ai rencontré personnellement Lysette Chevallier qui se produisait au théâtre d'Oran dans des opérettes. Elle était mon idole.
Elle avait joué ce jour-là Rêve de Valse, et elle tenait le rôle de Franzi, l'adorable directrice de l'orchestre des dames viennoises. Le lieutenant de Fonségur dont elle était tombée amoureuse retourne vers son épouse la princesse (il l'avait épousée à la suite d'un quiproquo contraint par la famille régnante) et abandonne donc Franzi désolée.
Etant assez jeune, j'avais pris la chose au premier degré et j'étais aussi désolé pour elle. Aussi, je suis allé dans les coulisses pour la voir dans sa loge et lui dire quelques mots de consolation. Evidemment, j'ai très vite compris que ce n'était qu'un rôle !
Seulement, il y avait aussi une bande de jeunes qui s'étaient rendus aussi dans sa loge pour lui demander une photo dédicacée. Il y avait bien une dizaine de gamins qui se pressaient à la porte de la loge, et prenant les photos à tour de rôle après avoir décliné son prénom pour la dédicace.
Il y eut un moment où elle dit : Je n'en ai plus qu'une ! Cinq ou six jeunes se pressaient encore en clamant : Moi ! moi ! moi ! et en tendant les mains..
J'étais derrière, sans rien dire, persuadé que je n'avais aucune chance, quand après avoir regardé les demandeurs pour en choisir un, Lysette Chevallier dit : Lui, là-bas qui ne dit rien !
Et j'eus sa photo dédicacée !
J'en ai toujours gardé un souvenir extraordinaire.

 

Une figure lyrique : Fanély Révoil

Le 29 octobre 1996, la Ville de Paris rendait hommage à Fanély Révoil à l'occasion de son quatre-vingt dixième anniversaire en lui décernant la Médaille de Vermeil.

La cérémonie se déroula dans le salon d'honneur de la Maison de l'Europe à Paris. Son Président, Michel Junot, après avoir souhaité la bienvenue à Fanély Révoil, à sa famille et aux amis qui l'entouraient, rappela avec beaucoup d'émotion à notre grande artiste que leurs chemins s'étaient déjà croisés, alors qu'elle était une grande vedette applaudie et admirée et lui, un jeune secrétaire de Maurice Lehmann, Directeur du Châtelet. Par un de ces concours de circonstances que ménage quelquefois l'existence, ils se retrouvaient, bien des années après, pour cette remise de médaille et il en était très heureux.

Puis Hélène Macé de Lépinay, Maire-Adjoint chargée de la Culture, retraça la carrière exemplaire de Fanély Révoil : le Conservatoire de Marseille, sa ville natale, ses débuts à Nîmes, Montpellier, Mulhouse puis au Havre où Maurice Lehmann également Directeur de la Porte Saint-Martin la remarqua, lui signa un contrat de trois ans et la fit débuter dans Le Petit Duc, rôle dans lequel elle s'imposa d'emblée comme une merveilleuse chanteuse et comédienne, portant le travesti à ravir.

Au Havre Fanély Révoil créa la version française de
Frasquita de Lehar (1931] qui ne fut donnée à l'Opéra-Comique que deux ans plus tard.
Madame Macé de Lépinay évoqua ensuite quelques-unes des créations de Fanély Révoil :
Valses de Vienne auprès d'André Baugé, Le Testament de Tante Caroline (Albert Roussel), Virginie Dejazet (Georges Van Parys) et La Maréchale Sans-Gêne (Pierre Petit) ainsi que plusieurs reprises d'ouvrages qu'elle marqua de son empreinte : L'Etoile (Chabrier), Fragonard (Pierné), Ciboulette (Hahn),...

Elle rendit hommage à l'ambassadrice de l'Opérette Française qu'elle fut en compagnie du baryton Willy Clément au Portugal, en Hollande, en Italie et en Angleterre au Festival d'Edimbourg, rappela ses activités de conférencière aux Annales et de Professeur, d'abord au Conservatoire de Versailles puis à celui de Paris et la félicita, au nom du Maire de Paris, d'avoir défendu avec tant de talent ce genre musical si français qui est une partie de notre patrimoine culturel.

Très émue, Fanély Révoil remercia la Ville de Paris en la personne de Madame Macé de Lépinay et avec l'humour qui la caractérise, elle fit remarquer qu'hier elle avait peut-être quatre-vingt dix ans mais qu'aujourd'hui ils s'étaient envolés : elle se retrouvait petite fille recevant une médaille pour devoir accompli.

Dans l'assistance, on reconnaissait des artistes lyriques : Michel Dens et Claudine Collart, des producteurs de Radio-France; Henri Goraïeb, dont une de ses émissions "Voix Souvenirs" lui fut consacrée, Jacques Rouchouse, Benoît Duteurtre ; des journalistes : Michel Parouty, Anne Rodet, ainsi qu'André Chanu, Président des Comédiens Combattants et de nombreux amis et admirateurs.

La cérémonie se termina par le verre de l'amitié en l'honneur de cette "grande Dame" de l'Opérette, peut-être la dernière divette que la France ait connue, dans la lignée des Hortense Schneider, Jeanne Granier et Edmée Favart.
Annik Caubert

Nota du webmaster : Je n'ai pas connu Fanély Révoil pendant sa carrière, mais j'ai découvert sa voix merveilleuse dans une circonstance particulière :
Dans mon enfance, Ma mère chantait "Maman", une délicieuse berceuse de Maurice Yvain.
J'ai cherché longtemps le disque de cette chanson et je l'ai retrouvé enfin interprétée par Berthe Sylva, mais les paroles n'étaient pas celles qui trottaient dans ma mémoire. Et c'est incidemment à la Bibliothèque Nationale de Paris, que j'ai pu écouter les paroles que chantaient ma mère et qui étaient : Dans la vie, qui vous sourit ? C'est Maman.
Et c'était Fanély Révoil qui la chantait.
Cette chanson est extraite du film "Les deux gamines".

 

 

Le chant du diable

 Le diable est assez souvent amateur d'opéra.

Son apparition la plus connue se situe dans Faust, de Charles Gounod, d'après le drame de Goethe.
Il porte le nom de Méphistophélès. (étymologiquement : qui n'aime pas la lumière). Et d'ailleurs c'est la seule oeuvre dans laquelle il porte ce nom bien particulier.
On le voit : " l'épée au côté, la plume au chapeau, l'escarcelle pleine, un riche manteau sur l'épaule..." et ses apparitions sont remarquées.
Un bref rappel : Faust est un savant. Très vieux. Il évoque sa vie et se désole : "J'ai langui, triste et solitaire; je ne vois rien, je ne sais rien...", quand il entend au dehors des laboureurs glorifier Dieu. Il s'interroge : " Mais ce Dieu que peut-il pour moi ? Me rendra-t-il l'amour l'espérance et la foi ?
Et dans un accès de désespoir il appelle le diable : " A moi Satan! À moi ! "
Paroles imprudente, car le diable réagit toujours à ce genre d'appel.
 
Mais à l'opéra, le diable apparaît... ou n'apparaît pas...
En effet, les metteurs en scène ont rivalisé d'idées originales pour cette apparition du diable.
La première dont j'ai été le témoin était classique : II se trouvait sous la scène et devait sortir par une trappe qui s'élevait au milieu de la scène. Un jour la trappe se coinça et le diable n'apparut que jusqu'à la taille. Sans se démonter, il commença sa tirade : " D'où vient ta surprise ? ..." et toute la salle hurla de rire.

D'autres apparitions sont plus ou moins réussies. Deux d'entre elles m'ont beaucoup plu : Au début de la scène, le vieux savant est assis dans son cabinet sombre dans un fauteuil à haut dossier. Quand Faust, qui s'était déplacé pour chanter son rôle, lança "A moi Satan...", le fauteuil tourna et Méphisto se leva.
Dans une autre mise en scène, il se trouvait contre un mur qui était exactement de la même texture que son costume et on ne le distingua que lorsqu'il s'avança
Une autre arrivée moins élégante : II sortit d'un grand coffre, à couvercle bombé qui se trouvait dans le décor. Et la surprise ne fut pas de voir le diable, mais de le voir sortir de là.
 
Dans "Les Contes d'Hoffmann" d'Offenbach, le diable apparaît dans les trois actes qui racontent les amours du héros.
Hoffmann est un poète, et sa quête est universelle : l'amour absolu qui lui rendra son inspiration. Il le recherchera sans succès à travers trois femmes, avant de croire aimer Stella, la prima donna du moment : "Stella, trois femmes dans la même femme, trois âmes dans la même âme ! Artiste, jeune fille, et courtisane !"

Dans cet opéra, le diable n'apparaît pas directement. Mais les trois personnages qui s'ingénient à faire échouer les entreprises d'Hoffmann sont de toute évidence son émanation.

Qui sont ces trois femmes ? : Trio charmant d'enchanteresses qui se partagèrent mes jours...
Premier amour : Olympia est un automate si parfait qu'Hoffmann n'y voit que du feu. Le but est de le faire s'amouracher d'elle puis de le ridiculiser aux yeux du monde. Mais si le héros s'entiche effectivement d'Olympia, "Ah! qu'elle est adorable, charmante, incomparable!", son "père" qui l'a fait fabriquer ne veut pas payer. Et Coppélius, premier suppôt du diable, détruit la poupée. Ce démon-là, imparfait, aimait plus l'argent que l'âme à récupérer.

La deuxième histoire est inspirée de Peter Schlemil. Avec une petite différence cependant : Ce n'est pas l'ombre de Schlemil que Dapertutto convoite, mais le reflet d'Hoffmann. "Pour te livrer combat, les yeux de Giuletta sont une arme certaine"
Mais Schlemil aime Giuletta et gêne. Il sera sacrifié : "L'un y laisse sa vie et l'autre y perd son âme". Le reflet est donc bien assimilé à l'âme.

La troisième femme est Antonia qu'Hoffmann aime pour son chant. Mais elle est malade et un soi-disant Docteur Miracle la fait mourir à force de chanter.

Hoffmann a fini de raconter "Voilà quelle fut l'histoire de mes amours, dont la mémoire en mon coeur restera toujours."
Et ivre, il s'endort.
Stella arrive, le trouve ivre-mort. Et ce sera Lindorf, le quatrième manipulateur qui partira avec elle.
Elle le suit à regret, et s'arrêtant pour regarder Hoffmann une dernière fois, détache une fleur de son bouquet et la jette à ses pieds.

Hoffmann a-t-il tout perdu ? Non. La Muse apparaît :
"Et moi ? Moi, la fidèle amie. Ne suis-je rien ? Que la tempête des passions s'apaise en toi! Renais poète ! Je t'aime"

Le diable finit toujours par perdre devant l'amour !
 
Image : avant-scène Opéra n° 231 (modifiée)

 

 
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