LA PARABOLE
- La première parabole fit son
apparition dans l'angle de la vaste terrasse à l'italienne
couronnant l'imposante villa dont le deuxième étage,
visible seulement au-dessus du mur d'enceinte hérissé
d'une torsade métallique aux pointes acérées,
semblait surveiller la rue rectiligne et calme bordée
de petites maisons basses, dont les habitants de condition modeste
s'étaient d'autant plus habitués au luxe agressif
des menuiseries en bois exotique et des colonnes torses encadrant
les ouvertures, que son propriétaire jouissait d'une considération
respectueuse.
- C'était en effet un homme qui
faisait du bien ! N'avait-il pas installé, débouchant
à même le trottoir, directement branché sur
une citerne intérieure, un robinet où les gens
pouvaient, les jours de pénurie d'eau, venir s'approvisionner
sans interruption, provoquant d'interminables queues bruyantes
de bidons entrechoqués et de rythmes sourds des battements
de mains sur le flanc des nourrices ? Et le vendredi, n'allait-il
pas à la mosquée entièrement vêtu
de blanc, symbole de pureté, des babouches à la
fine mousseline enveloppant délicatement sa tête
et son abondante barbe légèrement teintée
de roux, comme celle du prophète ? (Allah répande sur lui ses bienfaits !). Et le jour du Zakat, ne distribuait-il pas
son aumône légale à une queue de misérables,
où se mêlaient quelquefois des usurpateurs, qu'il
dévoilait, et à qui il réduisait sa libéralité
en le faisant savoir aux autres nécessiteux ?
- Sa charité était peut-être
ostentatoire, mais ne diminuait en rien sa réputation
d'homme de foi consolidée par plusieurs voyages aux lieux
saints. (On ne dit plus La Mecque, c'est péjoratif
et de plus, ça fait colonial). Peut-être cette
toile de bonté et de religiosité tissée
autour du personnage, était-elle aussi un peu destinée
à effacer une période un peu trouble de sa vie
professionnelle de directeur de société nationale
qui le traîna en justice à la suite d'accusations
diverses de détournement de biens publics, concussion
et autres babioles, au fond indissociables de la fonction.
- Dénonciations malveillantes
et envieuses, certes, mais il subit les foudres du prétoire.
Il se défendit, malgré des preuves accablantes,
en particulier la réalité bien tangible de sa construction
dont le financement ne pouvait en aucun cas avoir été
assuré par son salaire. Il fut jugé. Il fut condamné.
Un fourgon cellulaire le conduisit en prison. Une bénédiction
pour la presse et les photographes qui avaient enfin un exutoire
à l'interdiction de commentaires politiques. Mais dans
ce pays, les frères en religion et en politique ne sont
jamais abandonnés. Le parti unique déploya sa trame
de relations au plus haut niveau et les mosquées, dont
on ne sait jamais si les micros des minarets cinq fois par jour
vous engueulent ou vous convient, soucieuses de conserver les
dons pieux de ce croyant de qualité, se liguèrent
pour assurer efficacement sa défense, collaboration qui
ne pouvait être qu'efficace dans un système politique
où le temporel et le spirituel voyagent dans le même
compartiment.
- On fit appel. Le jugement fut cassé.
Vice de forme et insuffisance de preuves. La villa n'était
qu'un bien personnel, il fallait y penser ! Non lieu. Retour
avec les honneurs dans la belle villa, où la récente
installation de la parabole ne manqua pas de réactiver
les fantasmes de la seule rue du quartier qui n'avait pu se relier
à un circuit télévisuel, faute d'avoir une
hauteur suffisante pour installer cette corolle blanche qui fleurissait
sur les terrasses des immeubles voisins, apportant dans les foyers
les divertissements de l'Occident, et les informations que la
chaîne nationale ne diffusait pas, et que plus personne
ne regardait.
-
- Ce n'était pourtant pas faute
d'avoir tourné le problème en tous sens. Depuis
des mois, sous les lampadaires, à l'angle des rues, des
assemblées de riverains discutaient, envisageaient, établissaient
le coût de l'installation du meilleur système, les
difficultés d'achat du matériel à l'étranger
ou au marché noir à des trabendos. Mais à
chaque fois, on retombait sur la même difficulté
: disposer d'une terrasse en hauteur. Un comité fut créé
avec un président. Pour les fonds on verrait plus tard.
On désigna des jeunes gens de bonne volonté pour
écumer le quartier et rechercher une terrasse disponible
avec toute latitude pour proposer de faire partie de l'Association.
- Travail lent et difficile. Ou les places
étaient déjà occupées, ou le collectif
des locataires d'un immeuble offrant une possibilité avait
des prétentions exorbitantes. Bref, le découragement
et un voile de tristesse s'appesantissaient chaque jour davantage
sur la rue, lorsque l'un des jeunes revint un soir avec le fils
d'un honorable commerçant d'un immeuble à quatre
étages qui était disposé à réaliser
l'opération. Comme il allait souvent en France pour ses
affaires, il lui serait facile d'acquérir le matériel,
et ses connaissances en douane, - disait-il avec un clin d'il
significatif -, lui permettraient de payer moins de taxes. Bref,
le personnage idoine ! Accord lui fut donné par le comité.
La quête commença dès le lendemain : 5.000
DA par foyer, tout compris. Pas de soucis, il s'occupe de bout
en bout de l'opération. Cela parut un peu cher, mais combien
de temps allait-on attendre encore ?
- A partir de là, les réunions
sous les lampadaires devinrent plus animées, plus joyeuses,
et en aparté les jeunes racontaient les soirées
chaudes de canal + que des copains plus chanceux leur rapportaient.
Puis le temps passa. On commença à s'inquiéter.
Le comité se voulait rassurant, le voyage, la douane,
il y avait tant d'obstacles ! Les plus inquiets commencèrent
à calculer la somme collectée et s'aperçurent
qu'elle était bien supérieure aux installations
habituelles. Quand on rechercha la trace de l'homme providentiel,
on s'aperçut qu'il avait disparu. On porta plainte, la
police le retrouva, le convoqua. Il ne niait rien, il avait simplement
des difficultés en douane et il n'avait besoin que d'un
peu de délai. Toutefois, l'homme télé providentiel
se voulut rassurant. Il vint un matin avec une échelle
et un acolyte, tendit quelques mètres de câble et
disparut, mais cette fois on ne le retrouva plus. Et le délai
s'allongea. Les séances sous les lampadaires devinrent
houleuses. Le comité vola en éclats, le président
fut viré et l'on consulta un avocat, mais plus personne
ne voulut mettre la main à l'escarcelle. La rue sombra
à nouveau dans une apathie que l'indignation collective
et la colère n'arrivaient pas à dissiper.
- On consulta bien sûr le père
de l'homme providentiel, mais il se désolidarisait totalement
de son fils. Il ne connaissait rien à ses affaires et
ne savait même pas où il était. Du reste,
il ne fallait pas lui chauffer les oreilles avec cette histoire,
son fils étant majeur, il n'était plus civilement
responsable. Cela s'appelle de la solidarité familiale.
- L'atmosphère s'alourdissait.
Ceux qui n'avaient jamais pris une once de responsabilité
dans cette affaire accusèrent les membres du comité
déchu de s'être laissé berner et de leur
avoir fait perdre 5.000 DA, accusation de mauvaise foi puisque
tout le monde les avait perdus. De vieilles amitiés se
déchirèrent. Là-dessus, les femmes s'en
mêlèrent, reprochant à leurs maris de déserter
la maison pour aller regarder la télé chez des
amis ou parents qui la possédaient. Bien qu'elles ne sortissent
jamais à leur avantage de ces confrontations, elles persistaient
à les provoquer. N'était la crise du logement,
on aurait songé à déménager. Seuls
les plus fidèles observateurs du coran, gens pieux, à
face de carême encadrée d'une barbe, se précipitant
à chaque appel du muezzin, abaya blanche rapidement enfilée
sur le vêtement européen semblaient se satisfaire,
du moins en apparence, de cette situation. Dieu avait, disaient-ils,
étendu sa bénédiction sur les foyers en
les empêchant de recevoir les images impies de l'Occident.
C'est à ce moment que l'homme
qui faisait du bien réintégra, avec les honneurs
qu'il méritait, sa belle villa. Toute la rue se remit
à fantasmer, à espérer en portant les regards
sur la parabole de la terrasse à l'italienne. Le cauchemar
allait prendre fin, c'était sûr. La sollicitude
et la bienveillance dont faisait preuve l'homme qui faisait du
bien envers ses voisins, ne pouvait refuser que l'on attache
le petit fil salvateur sur son installation.
- On rediscuta sous les lampadaires pour
désigner la délégation la plus susceptible
de faire accepter la demande et l'on arrêta la composition
théorique à 2 adultes et un enfant, ce dernier
pouvant présenter un élément attendrissant
dans la conversation. Pour les adultes, on rechercha un pilier
de mosquée, mais il fut impossible d'en trouver un seul
qui acceptât la mission. La fréquentation des mosquées
et le rabâchage du coran doit leur faire perdre tout sens
logique, car il était difficile de comprendre leur refus,
dès lors que le vendredi, ils enlevaient leurs souliers
en même temps que la personne à solliciter, ce qui
prédisposait déjà au contact fraternel recherché.
On remplaça le rigoriste défaillant par un fonctionnaire
à barbe. C'était une barbe de coquetterie, l'homme
n'étant pas particulièrement assidu des mosquées,
mais comme les barbes laïques offrent souvent des ressemblances
avec les barbes religieuses - exception faite, bien sûr,
de celles des fondamentalistes, noires intenses, dures, mangeant
le visage blême jusqu'aux yeux que je les soupçonne
de souligner de khôl pour intensifier le regard purificateur
- ou celles aristocratiques, teintées de roux, comme la
portait l'homme à circonvenir. On pensa que ce dernier
pourrait lui attribuer une connotation religieuse pouvant influencer
favorablement sa décision.
- Avant la date fixée, il y eut
veillée d'armes avec le trio pour étudier le meilleur
scénario pour présenter la requête. Il fut
conseillé surtout de ne pas évoquer la détention,
sauf pour relever, bien sûr, que la justice avait été
partiale et manuvrée par ses ennemis. Le barbu dit
qu'il resterait muet sur le terrain religieux, s'il intervenait
dans la conversation, car fréquentant la bibliothèque
de l'église voisine, ainsi que les curés, - qui
ne se risquaient pas à faire du prosélytisme, sauf
à émailler leur conversation de références
chrétiennes - il ne voulait pas être pris en défaut
sur un des innombrables hadiths du prophète (Allah répande sur lui sa bénédiction) que l'homme qui faisait du bien devait connaître
par cur.
-
- Les membres du comité, pendant
un furtif instant, pensèrent en se regardant qu'ils n'avaient
peut-être pas fait le bon choix avec ce barbu qui semblait
mieux familiarisé avec les évangiles qu'avec les
hadiths. La barbe au henné n'allait-elle pas soupçonner
que celle de son visiteur n'était qu'une barbe laïque,
peut-être même celle d'un transfuge, ou pire, celle
d'un Kafir ? C'est que dans l'imaginaire insolite et surnaturel
infiltrant depuis l'enfance, par imams interposés, tout
le subconscient de la population, de pareilles suppositions étaient
parfaitement admissibles. Mais quoi, il était trop tard
pour chercher une autre barbe, c'était celle-là
ou rien, les vraies, les barbes religieuses avaient toutes refusé,
et avec quel ensemble, cette mission. Alors, va pour cette barbe
!
- Le lendemain, le commando se présenta
devant le portail massif et sonna. Un serviteur aboya à
l'interphone. Il fallut décliner l'identité, c'était
gênant, et les solliciteurs se sentirent déjà
en condition d'infériorité. L'aboyeur ordonna d'attendre,
et après avoir été porter le message à
son maître, revint et fit passer sans aménité
le trio. Que voulaient ces gens-là ? Encore des solliciteurs,
des pouilleux qui ne venaient même pas en voiture, des
gens de peu comme il en venait tellement. Ah ! Le maître
était bien bon de les recevoir. N'importe quel aboyeur,
avec n'importe quel maître, dans la même situation,
aurait fait intérieurement les mêmes réflexions,
tellement la hiérarchie tribale survivait encore dans
cette société en mutation.
- Le maître reçut fort courtoisement,
fit servir le café sur la véranda au dallage de
marbre et écouta avec attention les demandes un peu gauches
des visiteurs, puis échafauda avec onctuosité une
réponse, où comme prévu, se mêlèrent
quelques références coraniques pour adoucir sa
réponse négative motivée par une impossibilité
technique, liée au type de son récepteur qui n'acceptait
aucun branchement supplémentaire. Cette vague impossibilité
technique semblait avoir été prévue à
l'avance, tellement la réponse s'adaptait au problème.
Sur un deuxième café, l'entretien prit fin en invoquant
le prophète (Allah
répande sur lui ses bienfaits !)
- Une fois de plus le comité se
réunit dans un découragement à la hauteur
de l'espoir qu'avait suscité cette ultime démarche.
En fait, personne ne croyait à l'impossibilité
technique, ce n'était que rouerie du personnage qui ne
voulait sous aucun prétexte autoriser des voisins certes,
mais étrangers à son milieu et sa famille, à
pénétrer dans son sérail. On échangea
des considérations désabusées sur le régime
qui enrichissait les gens sans scrupules gravitant dans l'orbite
du parti, rendant les riches plus riches, et les pauvres plus
pauvres, et on disqualifia les plénipotentiaires incompétents
- La barbe de coquetterie jura qu'on
ne l'y reprendrait plus, mais ne se hasarda pas à dire
que dans les évangiles, la parabole était à
la disposition du plus grand nombre, ce qui ne semblait pas être
le cas dans la société musulmane où celui
qui en possédait une refusait de la partager.
- Décidément, le sort s'acharnait
sur la rue. Toutefois, les amateurs de foot, les amateurs de
politique, les amateurs de films - les femmes surtout - et ceux
qui ne se déclaraient pas ouvertement pour les soirées
érotiques recommençaient à animer les soirées
lampadaires. On recréa un comité. On redésigna
des enquêteurs, jeunes gens de bonne volonté qui,
en s'éloignant de plus en plus de leur point de départ
finirent par trouver un collectif d'auditeurs acceptant des branchements
supplémentaires sur le 15ème étage d'un
immeuble situé à 800 ou 900 mètres de la
première maison réceptrice. La distance sembla
au comité un handicap impossible à surmonter, mais
les techniciens contactés assurèrent qu'il suffirait
de placer un relais, espèce de petite boîte noire,
sur la terrasse d'une des maisons de la rue pour vaincre la difficulté
effectivement créée par l'éloignement.
- Coût de l'opération :
5.000 DA par foyer. Décidément, les prix ne variaient
pas. Ils devaient probablement être homologués par
le service des fraudes et enquêtes économiques de
la wilaya, à moins qu'il ne s'agisse plus simplement d'une
entente tacite et occulte entre trafiquants de paraboles, profession
éminemment respectable et lucrative dont il était
difficile de connaître l'activité exacte. Personne
ne connaissait leur pedigree professionnel, ni leur installation
; assurément, ils étaient un peu magiciens pour
tisser ces lignes de câbles qui faisaient flotter dans
le ciel une promesse d'émotion attendue impatiemment le
soir dans les chaumières. Ils allaient et venaient dans
les rues, un peu comme les " algo vender ",
leur réputation flottant dans l'air au gré des
références et de la satisfaction des clients qui
se chargeaient de leur publicité. Malheur à celui
qui ne réussissait pas son installation, le système
oral qui propulsait tel technicien au pinacle disqualifiait aussi
vite l'incompétent. Ce système, bien sûr,
fonctionna pour l'individu qui avait escroqué la rue,
mais sans conséquences sur sa moralité puisqu'il
s'était volatilisé.
- Le souvenir des 5.000 DA escroqués
à chaque foyer était encore douloureux. Aussi une
nouvelle difficulté surgit avec la crainte de se faire
duper une autre fois, bien que ce nouvel installateur soit précédé
d'une excellente réputation. Mais toutes les réticences
furent levées lorsqu'il proposa d'être payé
15 jours après réception d'une image nette dans
chaque téléviseur. Le comité donna son feu
vert. On ne pouvait trouver de proposition plus honnête.
- Tirer un câble sur 800 mètres,
lui faire traverser une avenue, des rues, passer au-dessus des
arbres, des lignes électriques et téléphoniques
était considéré comme un exploit un peu
mystérieux, en tout cas en marge de la technique d'installation
d'antennes. Le câble arriva et il fallut trouver une terrasse
pour poser la boîte relais. Nouvelle difficulté
imprévue : les habitants des maisons individuelles étaient
tous réticents, craignant que ce relais ne nécessite
des interventions, en cas de panne, avec pour conséquence
les passages de techniciens étrangers dans leur habitat.
Somme toute, le même raisonnement que l'homme qui faisait
du bien. Devant l'ultime obstacle à l'arrivée de
l'image, il se trouva quand même un jeune couple compréhensif
qui prêta sa terrasse. Le malheureux était loin
de se douter des conséquences que cette décision
de courtoisie envers ses voisins allait lui valoir par la suite.
-
- Tout se passa comme prévu. L'image
arriva dans de bonnes conditions, la rue retrouva sa bonne humeur.
Les techniciens furent payés avec la garantie de leur
intervention gratuite au moindre dysfonctionnement, ce qui ne
tarda pas, et il fallut intervenir sur la fameuse boîte
en se présentant chez la jeune femme en l'absence de son
mari. La panne fut rapidement détectée et les émissions
reçues immédiatement cédèrent la
place le soir, à de nouveau un écran noir, tandis
qu'une animation anormale et un attroupement tumultueux s'opérait
à hauteur de la maison où était la boîte
relais. En fait la boîte n'était plus sur la terrasse.
Elle gisait éventrée, laissant voir, éparpillées
sur le bitume, de jolies petites pièces multicolores dont
la fonction était de transmettre des images, et non de
terminer stupidement une carrière à peine entamée.
- Ce cataclysme était en fait
le résultat d'un drame de la jalousie. La jeune femme,
peut être influencée par certains discours sociaux
prônant l'abolition d'un code de la famille rétrograde,
mais bien implanté dans le système politique, et
aussi par habitudes remontant à la nuit des temps, dans
les murs, autorisa le technicien à traverser son
logement pour monter sur la terrasse. Elle aurait dû, suivant
la coutume, demander l'autorisation à son mari, mais comment
aurait-elle pu le faire puisqu'il n'était pas là
et que le technicien n'était pas précisément
attendu ! Ce concours de circonstances déclencha chez
le mari, lorsqu'il rentra de son travail, une intense contrariété
qui se mua très vite en soupçon, lequel se transforma
immédiatement en certitude d'adultère. Il a fallu
à Tolstoï un bouquin entier pour décrire,
dans un interminable voyage en chemin de fer, éclairé
par des lampes à huile, au travers de steppes glacées
et entrecoupé d'innombrables tasse de thé brûlant,
la douloureuse implantation des crocs de la jalousie dans un
être envahi d'ignobles soupçons sur sa femme qui,
dans une lente descente aux enfers, vont le transformer en un
vulgaire assassin à l'arme blanche.
- Ici, en 10 minutes tout était
consommé. Pas d'hésitation, ni de torture de l'âme
à la recherche obsessionnelle de la preuve. La jeune femme
reçut une trempe, (Le coran permet et même recommande)
hurla plus que de raison pour bien informer le voisinage, mais
ne fut pas assassinée. Le drame s'arrêta aussi brutalement
qu'il avait commencé.
-
- Pour la communauté, cet incident
se traduisit par quelques jours d'écran obscur - le temps
de racheter une autre boîte - que l'on installa cette fois-ci
chez un couple d'âge mûr, ce qui supprimait tout
risque de drame passionnel, au cas où cette satanée
boîte recommencerait ses plaisanteries. Mais ce mini-drame
déclencha sous les lampadaires, une espèce de querelle,
au sens philosophique, des anciens et des modernes.
- Au 17ème siècle, ces
querelles s'appliqueraient sur des textes. Et quels textes !
Tous ceux qui du fond des premiers balbutiements de l'humanité
ont fait ce que nous sommes. Sous les lampadaires, les bases
s'appliquaient uniquement sur le droit coutumier, une loi coranique
absurde, les traditions orales, et le peu de connaissance que
l'on avait de quelques tentatives de transformation de la société
que certains homme politiques, dans une timide opposition, essayaient
de faire passer en contradiction formelle des murs séculaires.
Les " anciens " même si c'étaient des
jeunes gens, approuvaient le mari frappeur, il était maître
chez lui ; les " modernes ", jeunes et vieux le condamnaient,
les vieux se donnant bonne conscience à peu de risques,
sachant bien que la transformation de la société
ne serait pas pour la semaine prochaine. Mais enfin, le fait
qu'on acceptât d'en discuter pouvait laisser espérer
qu'un jour, on ne battrait plus les femmes pour un coffret électronique.
C'est toujours une entreprise hasardeuse
de terminer une relation vécue. Le lecteur peut imaginer
un dépassement de la réalité, auquel cas
l'auteur n'a pas atteint son but. Il n'y a aucune inexactitude
dans ce récit.C'est ainsi que Mohamed (Allah répande sur lui
voir plus haut) est l'envoyé
d'Allah et c'est ainsi qu'Allah est le plus grand.
Ernest Saval, 19.04.1998
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